Le clan de l'ours des cavernes
la neige comme j'empile du bois, ce serait bien pratique, se dit-elle. Le vent risque de se remettre à souffler et alors, fini la neige...
Elle transporta à l'intérieur de la caverne une partie du bois qu'elle venait de dégager et en profita pour prendre un bol afin de retirer plus rapidement la neige.
Elle venait de remplir son bol et d'en déverser le contenu à côté de la pile de bois quand elle remarqua que le petit tas de neige conservait la forme du bol lorsqu'elle retirait le récipient. Pourquoi ne pas empiler de la neige comme ça ? Exactement comme j'empile mon bois...
Pleine d'enthousiasme à cette idée, elle se mit aussitôt à ramasser la neige qui recouvrait la corniche et l'entassa contre la paroi à côté de l'entrée de la caverne. quand elle eut terminé, elle s'attaqua à l'étroit sentier qui descendait vers la rivière. Whinney profita du fait que la voie était dégagée pour aller faire un tour dans la vallée.
Les yeux brillants et les joues rougies par le froid, Ayla s'arrêta et sourit d'un air satisfait en contemplant l'imposant tas de neige qui se trouvait près de l'entrée. Jetant un coup d'oeil autour d'elle, elle s'aperçut qu'il restait encore un peu de neige à l'extrémité de la corniche et se dirigea aussitôt de ce côté. De loin, elle vit Whinney en train de se frayer un chemin au milieu de ces masses de neige inhabituelles, levant bien haut les pattes.
Lorsqu'elle eut complètement dégagé la corniche et qu'elle s'arrêta pour examiner à nouveau le tas de neige, la forme de celui-ci la fit sourire.
D'o˘ elle était, les diverses bosses faites par le bol suggéraient les contours d'un visage.
Pour que ça ressemble vraiment à Brun, il faudrait que le nez soit un peu plus gros, songea-t-elle en ajoutant un peu de neige à l'endroit voulu.
Puis elle approfondit un creux, aplatit légèrement une bosse et se recula pour contempler son oeuvre.
- Bonjour, Brun, dit-elle avec un sourire malicieux en utilisant les gestes appropriés.
Mais son sourire s'effaça aussitôt. Brun n'apprécierait peut-être pas tellement que l'on se serve de son nom pour s'adresser à un tas de neige.
Le nom qu'on portait revêtait trop d'importance pour qu'on l'utilise à tort et à travers. Ce visage ressemble pourtant à celui de Brun, se dit Ayla avec un petit rire étouffé. Mais je devrais être plus polie lorsque je m'adresse à lui. quand on est une femme, il n'est pas correct de parler au chef de la tribu avant que celui-ci vous en donne la permission. Se prenant au jeu, elle s'assit en face du tas de neige et baissa les yeux, dans la position qu'adoptaient les femmes du Clan lorsqu'elles demandaient à un homme la permission de s'adresser à lui.
Immobile, les yeux fixés sur le sol, Ayla attendait comme s'il y avait quelque chance que Brun lui tape sur l'épaule pour lui indiquer qu'elle avait le droit de lui parler. Rien ne se produisait et le silence devenait de plus en plus pesant. Le sol rocheux sur lequel elle était assise était glacé et elle commençait à se sentir un peu ridicule dans cette position.
Ce tas de neige avait beau ressembler à Brun, jamais il ne lui taperait sur l'épaule. Brun lui-même était resté insensible à sa requête la dernière fois qu'elle s'était assise en face de lui, juste après avoir été
injustement maudite, alors qu'elle voulait lui demander de prendre Dure sous sa protection. Le vieux chef s'était détourné d'elle car il était trop tard elle était déjà morte aux yeux du clan.
Au souvenir des événements qui l'avaient obligée à partir, son humeur changea du tout au tout. Bondissant sur ses pieds, elle s'approcha du visage sculpté dans la neige et se mit à le bourrer de coups de poing et de pied.
- Tu n'es pas Brun ! dit-elle en tentant de détruire toute ressemblance avec l'original. Tu n'es pas Brun ! Jamais plus je ne le reverrai Jamais je ne reverrai Durc ! Jamais plus je ne reverrai qui que ce soit Je suis toute seule ! ajouta-t-elle en laissant échapper un gémissement de désespoir. Oh ! pourquoi suis-je si seule ?
Elle s'effondra à genoux en pleurant et se laissa tomber dans la neige.
Ramenant celle-ci sur elle, elle se blottit au creux de cette humidité
glaciale, essayant de s'y enterrer et appelant de tous ses voeux l'engourdissement mortel dans l'espoir qu'il mette fin une fois pour toutes à ses souffrances et à sa solitude. quand son corps commença à être parcouru de frissons, elle ferma
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