Le clan de l'ours des cavernes
telles circonstances. La fureur de Broud croissait avec sa violence ; il voulait l'entendre crier et, aveuglé par la rage, il fit pleuvoir sur elle une volée de coups féroces.
Se cuirassant contre la douleur, elle serra les dents, résolue à ne pas lui concéder ce plaisir. Mais au bout de quelques instants, elle n'était même plus en mesure de hurler.
Lentement, à travers le voile rouge qui l'aveuglait, elle prit vaguement conscience qu'on avait cessé de la battre. Elle sentit Iza l'aider à se relever et, en s'appuyant sur elle de tout son poids, elle tituba, à moitié
évanouie, jusqu'à la caverne. Elle éprouva une vague sensation de bienêtre quand la guérisseuse lui appliqua des cataplasmes et, avant de sombrer dans le sommeil, elle sentit confusément qu'on lui faisait absorber un breuvage amer.
A son réveil, la faible lueur de l'aube soulignait à peine le contour des objets familiers. La fillette essaya de se redresser, mais tout son corps se rebella, lui arrachant un gémissement qui réveilla Iza. La guérisseuse fut aussitôt auprès d'elle, les yeux pleins d'inquiétude et de compassion.
De sa vie, elle n'avait vu quelqu'un se faire corriger aussi sauvagement.
Son époux, même dans ses pires moments, ne l'avait jamais pareillement battue. Iza était convaincue que Broud l'aurait tuée si on ne l'en avait empêché à temps. C'était une pénible scène qu'elle n'était pas près d'oublier.
A mesure que la mémoire lui revenait, Ayla se sentait envahie par la peur et la haine. Elle savait qu'elle n'aurait pas d˚ faire preuve d'une telle effronterie, mais jamais elle n'aurait imaginé une réaction aussi violente.
Pourquoi donc Broud en était-il arrivé à cette extrémité ? Ce matin-là, Brun était en colère, d'une colère froide qui incita chacun à l'éviter autant que possible. S'il désapprouvait l'impudence d'Ayla, la réaction de Broud ne lui déplaisait pas moins. Broud avait eu raison de corriger la fillette mais avait largement exagéré l'ampleur de la punition. Il n'avait même pas répondu à Brun qui lui ordonnait d'arrêter ; il avait fallu que Brun l'écarte de force. Mais il y avait plus grave : Broud avait perdu son sang-froid d'une manière indigne d'un homme, à cause d'une femme, à cause d'une fillette un peu trop effrontée.
Après l'éclat de Broud à la clairière, Brun avait pensé que le jeune homme ne se laisserait plus aller à de tels excès. Or, il venait de récidiver plus gravement encore. Et pour la première fois, Brun commença à se demander, la mort dans l'‚me, s'il serait sage de remettre à Broud la direction du clan. Plus que le fils de sa compagne, Brun était persuadé que Broud était une émanation de son propre esprit et il l'aimait plus que la vie même. Peut-être l'avait-il mal élevé ? se demanda-t-il, prenant sur lui les défauts du garçon. Peut-être s'était-il montré trop tolérant à son égard ?
Brun laissa couler plusieurs jours avant de parler à Broud, afin de bien réfléchir à tout ce qu'il devrait lui dire. Broud passa tout ce temps dans un état d'intense agitation, quittant à peine son foyer, et ce fut avec un réel soulagement qu'il vit Brun lui faire signe de le suivre. Il ne redoutait rien autant que la colère de Brun, et ce ne fut pas sans stupeur qu'il vit celui-ci lui exposer le fond de sa pensée avec des gestes simples et calmes. Se déclarant personnellement responsable des erreurs du fils de sa compagne, il se présenta à lui non comme le chef redoutable que le garçon avait toujours craint et respecté, mais comme un homme aimant et profondément déçu. Broud se sentit envahi de remords.
Puis il perçut une froide détermination dans le regard de Brun qui, à
contrecoeur, se devait de faire passer en priorité le bien de son clan.
- Encore un éclat de la sorte, même minime, Broud, et tu n'es plus le fils de ma compagne. Tu es destiné à me remplacer en tant que chef, mais sache-le bien, plutôt que de remettre le clan entre les mains d'un homme incapable de se contrôler, je te renierai et te condamnerai à la Malédiction Suprême. Tant que tu n'auras pas prouvé que tu es un homme, il te sera interdit de prendre ma suite. Je vais t'observer, Broud. Je ne veux plus voir aucune manifestation de mauvaise humeur. Et si je dois choisir un autre chef, tu seras ravalé au dernier rang du clan, et cela pour toujours.
M'as-tu bien compris ?
- Oui, Brun, acquiesça-t-il, blême.
- Tout cela
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