Le clan de l'ours des cavernes
restera entre nous. Un tel bouleversement dans nos projets ne ferait qu'inquiéter les autres, or je ne tiens pas à les perturber inutilement. Mais ne te méprends pas, il en sera comme je l'ai décidé. Un chef a le devoir de faire passer les intérêts de son clan avant les siens propres. C'est la première chose à apprendre, Broud. Voilà pourquoi un chef doit savoir garder son sang-froid. Il assume l'entière responsabilité de la survie du clan. Un chef est moins libre qu'une femme, Broud. Il est parfois contraint de faire des choses qui ne lui plaisent guère. Et si besoin est, il peut même aller jusqu'à renier le fils de sa compagne. Tu comprends ?
- Oui, Brun, je comprends, répondit Broud, qui doutait d'avoir bien compris.
Comment se pouvait-il qu'un chef soit moins libre qu'une femme ? Un chef devait être libre de faire tout ce qu'il voulait et de commander à tout le monde, non ?
- Va, va-t'en maintenant, Broud. Je désire rester seul.
Ayla dut at…endre plusieurs jours avant de pouvoir se lever et encore plus longtemps pour voir les ecchymoses violacées qui lui couvraient le corps virer au jaune p‚le puis enfin disparaître. Au début, elle avait si peur de Broud qu'elle sursautait dès qu'elle le voyait arriver. Or, elle ne tarda pas à remarquer qu'un changement était intervenu en lui. Il avait cessé de la tourmenter, de la harceler et en vérité cherchait plutôt à l'éviter. Ses souffrances oubliées, elle se dit qu'à toute chose malheur est bon. La vie, sans l'oppression exercée par Broud, lui parut facile. Bien qu'elle continu
‚t de vaquer aux mêmes t‚ches que les autres femmes, elle éprouvait une telle impression de liberté que son bonheur se lisait dans le moindre de ses gestes. Elle éclatait de rire et marchait la tête haute. Iza savait que la fillette était tout simplement heureuse, mais sa désinvolture et son exubérance suscitaient l'étonnement et la muette réprobation du clan, habitué à plus de réserve.
quant au comportement distant de Broud envers Ayla, il n'échappait à
personne. La fillette surprit par hasard quelques conversations et comprit que Broud avait été menacé d'un ch‚timent exemplaire s'il la battait encore une fois. Cela lui fut confirmé un jour o˘ elle le provoqua sans résultat. Elle se permit tout d'abord quelques petites négligences, de petits riens, dans le seul but de l'irriter. Elle le haÔssait et, se sentant protégée par Brun, prenait sournoisement sa revanche.
La petite taille du clan fit qu'en dépit des efforts de Broud pour éviter Ayla, il lui était nécessaire de recourir à elle en certaines occasions.
Elle mettait alors un point d'honneur à satisfaire ses désirs le plus lentement possible. Après s'être assurée que personne ne regardait, elle le gratifiait de cette étrange grimace dont elle avait le secret, prenant un malin plaisir à voir les efforts désespérés du jeune homme pour garder son sang-froid. Elle faisait beaucoup plus attention lorsqu'elle n'était pas seule avec lui, ne désirant nullement s'attirer la colère de Brun.
De temps à autre elle surprenait le regard de haine que Broud posait sur elle, et il lui arrivait alors de s'interroger sur la sagesse de son comportement. Broud la tenait pour seule responsable de sa situation inconfortable. Si elle n'avait pas été aussi insolente, il ne se serait pas mis en colère comme il l'avait fait, et il ne serait pas aujourd'hui menacé
du ch‚timent suprême. Pourquoi les autres ne se rendaient-ils pas compte de l'insolence de cette étrangère ? Pourquoi ne la punissaientils pas pour sa mauvaise conduite ? Oui, il la détestait encore plus qu'avant, mais il se gardait bien de le montrer, surtout quand Brun était là.
Si le conflit entre les deux jeunes gens devint larvé, son intensité
s'accrut encore et la fillette déploya moins de finesse dans ses provocations. Tout le monde se demandait pourquoi Brun laissait faire et la tension entravait parfois la vie du clan, perturbant les hommes comme les femmes.
En réalité, Brun n'appréciait nullement le comportement d'Ayla dont les insolences, qu'elle croyait subtiles, ne lui échappaient pas, pas plus qu'il n'approuvait la relative résignation de Broud. Toute effronterie était inacceptable de la part d'une femme. Brun était choqué de voir la fillette s'imposer de cette façon contre un homme. Aucune femme du clan n'aurait imaginé pareille attitude. Elles étaient satisfaites de leur
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