Le clan de l'ours des cavernes
laisse de temps en temps tranquille.
Elle mit machinalement un caillou dans la fronde et, voyant une dernière feuille qui pendait à une branche, elle la visa avec succès. Je suis encore capable de toucher ce que je veux, pensa-t-elle, puis elle se renfrogna. Mais à quoi bon ? Je n'ai jamais essayé de tirer sur une cible mouvante ; le porc-épic ne compte pas, il était pratiquement immobile. Je ne sais même pas si j'en serais capable et, si tel était le cas, cela ne me servirait à rien. Je ne pourrais jamais rien apporter à la caverne.
Tout ce que j'arriverais à faire, c'est blesser des animaux, comme ce porc-épic, et les offrir aux loups, aux hyènes et aux gloutons, qui déjà nous volent nombre de proies.
Le clan, qui dépendait en grande partie de la chasse pour sa survie, devait monter sans cesse la garde contre les prédateurs. Non seulement les grands félins ou les bandes de loups ou de hy-è-nes dérobaient parfois leur proie aux chasseurs mais encore les gloutons et autres petits carnassiers constituaient une menace pour les réserves de viande séchée qu'il leur arrivait de dérober sitôt que la surveillance se rel‚chait. Aussi ces animaux étaient-ils détestés des chasseurs.
Ayla se rappela la fois o˘ Brun lui avait interdit de ramener dans la caverne un louveteau blessé. Soudain un projet commença à germer dans son esprit. Les carnassiers, à l'exception des grands félins, pouvaient être tués à la fronde. J'ai entendu Zoug le dire à Vorn. Il affirmait qu'il était souvent préférable d'utiliser la fronde, afin de ne pas être obligé
de trop s'approcher d'eux.
Ayla avait maintes fois entendu Zoug louer les vertus de son arme favorite.
Il était vrai qu'avec une fronde un chasseur restait hors de portée des griffes et des crocs des carnassiers, mais Zoug n'avait rien dit des risques encourus au cas o˘ le tireur manquait le loup ou le lynx qu'il avait visé ; ces bêtes étaient parfaitement capables de se retourner contre lui.
Et si je ne chassais que les carnassiers ? songea-t-elle. Nous ne les mangeons pas, ce ne sera pas du gaspillage si je les laisse en p‚ture aux charognards. Les chasseurs le font bien.
Ayla secoua la tête, se reprochant de telles pensées. Je suis une femme, et la chasse m'est interdite ; je n'ai même pas le droit de toucher à une arme. Il n'empêche, je sais me servir d'une fronde ! Ce serait bien utile au clan que je tue ces gloutons, ces renards et ces sales hyènes qui volent notre viande.
Elle s'était entraînée au tir à la fronde pendant tout l'été, et bien que ce ne f˚t alors qu'un jeu pour elle, elle savait que toute arme avait pour fonction la chasse. Elle savait également qu'elle finirait par se lasser de tirer sur des branches, des feuilles ou des rochers. Aussi lui était-il insupportable de devoir abandonner la fronde faute de pouvoir l'employer pour ce qu'elle était : une arme de chasse. Tuer les prédateurs nuisibles au clan lui apparaissait comme la réponse à son dilemme, même si cela lui posait un problème de conscience. Creb et Iza lui avaient tant de fois dit qu'il était formellement interdit à une femme de toucher à une arme. Mais elle avait déjà largement transgressé cet interdit, et sa faute ne pouvait être plus grave si elle chassait. Elle jeta un regard à la fronde qu'elle tenait à la main et, balayant ses derniers scrupules, prit une décision.
- Je vais le faire ! Je vais apprendre à chasser ! Mais je ne m'en prendrai qu'aux carnassiers ! s'exclama-t-elle énergiquement, ponctuant ses mots par de grands gestes.
Rouge d'excitation, elle courut chercher des cailloux à la rivière.
En choisissant des galets ronds et lisses d'une taille précise, son regard fut attiré par un objet étrange. On aurait dit une pierre, mais il ressemblait aussi à une coquille de mollusque marin. Elle le ramassa et l'examina soigneusement. quel étrange caillou, pensa-t-elle. Je n'en ai jamais vu de pareil. Puis, se souvenant soudain de ce que lui avait dit Creb un jour, elle se sentit si bouleversée qu'un frisson lui parcourut l'échine.
Creb a dit, se rappelait-elle, que mon totem m'aiderait chaque fois que j'aurais une grave décision à prendre, qu'il m'enverrait un signe pour m'indiquer la bonne direction. Creb a dit aussi que ce serait quelque chose d'inhabituel, et que personne ne pourrait identifier le signe à ma place.
Je devrais écouter avec mon coeur et mon esprit, a-til dit encore, et l'esprit
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