Le clan de l'ours des cavernes
cette période, Ayla ne flancha pas une seule fois, obéissant à toutes les lubies de Broud, bondissant pour répondre à
toutes ses exigences, baissant la tête avec soumission, surveillant soigneusement sa façon de marcher, sans jamais se permettre de rire ni même de sourire ; mais si elle n'opposait aucune résistance, ce n'était pas sans mal, car elle avait beau lutter contre ses penchants pour se montrer docile, l'envie la tenaillait de se rebiffer.
Elle se mit à maigrir et à perdre l'appétit, restant calme et soumise, même quand elle se trouvait dans le foyer de Creb. Uba elle-même ne parvenait pas à la dérider. Iza, inquiète à son sujet, décida par une belle journée ensoleillée qu'il était nécessaire de donner un certain répit à la fillette avant que l'hiver ne les confine tous dans la caverne pour une longue période.
- Ayla, dit Iza d'une voix forte, alors qu'elles sortaient de la caverne, sans laisser à Broud le temps de formuler la moindre exigence, il me faut des symphorines, contre les maux d'estomac. Tu les trouveras facilement, les fruits blancs restent attachés au buisson après la chute des feuilles.
Iza se garda bien de préciser qu'elle avait en réserve bien d'autres remèdes tout aussi efficaces contre les maux d'estomac. Broud fronça les sourcils en voyant Ayla se précipiter pour aller chercher son panier, mais il savait qu'il était plus important de la laisser cueillir des plantes pour Iza que de lui ordonner de lui apporter de l'eau, une infusion, un morceau de viande, ou encore une pomme, ou bien deux pierres pour casser des noix, sous prétexte que celles qui se trouvaient aux abords de la caverne ne lui convenaient pas, ou d'exiger de la fillette n'importe quelle autre besogne subalterne. Il s'éloigna dignement quand Ayla sortit de la grotte, son panier et son b‚ton à la main.
La fillette courut vers la forêt, reconnaissante à Iza de lui avoir procuré
l'occasion d'être seule. Oublieuse des petites baies blanches, elle partit à l'aventure sans se rendre compte que ses pas la portaient jusqu'à sa prairie favorite et sa petite caverne. Elle n'y était pas retournée depuis qu'elle avait blessé le porc-épic.
Elle s'installa au bord de l'eau, jetant des cailloux dans le courant d'un air absent. Il faisait froid. La pluie de la veille s'était transformée en neige en cette altitude, couvrant la terre d'un tapis éblouissant. Mais Ayla restait indifférente à la beauté sereine de ce paysage hivernal. Il lui rappelait seulement que le froid n'allait pas tarder à empêcher le clan de sortir et qu'elle ne pourrait échapper à Broud avant le printemps.
Le long hiver glacial s'annonçait particulièrement lugubre aux yeux de la fillette, qui se verrait soumise chaque jour aux caprices de Broud. quoi que je fasse, il n'est jamais content, songea-t-elle. J'ai beau faire de mon mieux, rien n'y fait. Elle tourna machinalement les yeux vers une tache dans la neige, et elle vit une peau de bête à moitié pourrie, hérissée encore de quelques piquants ; tout ce qui restait du porc-épic. Ayla se rappela avec remords le jour o˘ elle l'avait blessé. Je n'aurais jamais d˚
apprendre à tirer, se dit-elle, ce n'est pas bien. Creb serait furieux, et Broud... comme il serait ravi s'il venait à le savoir. Mais il ne le saura jamais, se jura-t-elle. Ayla se sentit heureuse à la pensée qu'elle lui cachait quelque chose qui lui aurait donné des raisons de la corriger. Et elle eut soudain envie de se dépenser, de tirer à la fronde justement pour donner libre cours à sa révolte.
Elle se souvint d'avoir jeté son arme dans un buisson et l'y chercha. Elle aperçut le morceau de cuir dans les broussailles et le ramassa, tout trempé, mais les intempéries ne l'avaient pas trop abîmé. Elle tira et lissa entre ses mains la bande de peau, se rappelant la fois o˘ elle l'avait ramassée, après que Broud se fut fait sévèrement réprimander par Brun pour son geste agressif envers Zoug. Elle n'était pas la seule à avoir provoqué la rage du jeune fier-à-bras.
Seulement voilà, je suis une femme, et il peut me frapper sans encourir les foudres de Brun. Brun s'en fiche pas mal, qu'il me batte quand bon lui semble. Non, ce n'est pas vrai, reconnut-elle, Brun est intervenu la fois o˘ Broud m'a battue si fort, et celui-ci se retient parfois de me corriger quand Brun est là. Mais ça m'est égal de recevoir des coups, tout ce que j'aimerais, c'est qu'il me
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