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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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les interstices entre deux blocs. Mais, même à l’ombre, c’est une masse minérale qui éblouit et impressionne par sa longueur (57 mètres) et qui écrase par sa hauteur (18 mètres).
    Cliquez ici pour accéder en permanence au mur des Lamentations à Jérusalem, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit.
    Combien sont-ils à psalmodier ? Deux cents, peut-être trois cents, répartis en petits groupes agglutinés autour d’un récitant qui scande le Livre d’Esther, surveillé de près par les autres – « S’il se trompe, me glisse Yohan, et que les autres s’en aperçoivent, il faut tout recommencer. En plus, à Pourim, la religion commande à chacun d’écouter au moins deux fois l’histoire de la reine Esther ». Il y a là les hassidiques, avec leurs longues tuniques noires satinées, les lituaniens et leurs toques de fourrure sur la tête, les hiérosolymitains, établis depuis des générations à Jérusalem, avec leurs caftans beiges, et puis beaucoup de redingotes noires et de chapeaux à large bord, uniforme distinctif des orthodoxes et de tant d’autres ramifications du judaïsme, unis dans une même ferveur, enveloppés dans leur châle de prière. À de rares exceptions près, ils portent tous la barbe et les papillotes, qui tombent, pour certains, au niveau des épaules telles des anglaises que l’on aurait passées au fer à friser. Ils respectent ainsi à la lettre une prescription rabbinique : « Vous ne couperez point en rond les pointes de votre chevelure et tu ne raseras point les coins de ta barbe », afin de ne pas imiter les peuplades païennes et idolâtres qui avaient coutume de se raser les joues et les tempes. Leur livre de prières en main, ils balancent leur corps au rythme de leur supplique pour hâter le transport de l’esprit vers Dieu. Les pieds joints, on plie les genoux, on incline le buste d’avant en arrière « parce que les Juifs sont à l’image des roseaux, me souffle Yohan, ils plient mais ne rompent pas ». Parfois la voix se fait plus forte, provoquant une accélération du mouvement, et c’est comme une immense vague blanche d’écume qui ondulerait devant cet implacable mur de granit renvoyant l’écho de leurs prières.
    Et puis, il y a des militaires, mitraillette en bandoulière, les mains sur les pierres polies du Kotel, comme pour mieux les sentir et leur transmettre plus rapidement la sincérité de leur prière. Enfin, Pourim oblige, des dizaines d’enfants s’égaillent sur l’esplanade, déguisés en soldats romains, en émirs ou en chevaliers, imaginant des batailles contre le redoutable Aman dont ils sortiront toujours vainqueurs. Ils jettent parfois un regard furtif vers l’espace réservé aux femmes – séparées des hommes par une série de paravents –, où trônent des reines Esther en miniature vêtues de longues robes en tulle blanches ou bleues.
    « Alors ? m’interpelle Yohan avec un large sourire.
    — C’est vraiment magnifique, et en même temps assez… surréaliste ! J’ai pour l’instant du mal à établir la connexion entre ce que nous voyons, Julius Streicher et Nuremberg…
    — Ne te pose pas trop de questions. Ouvre les yeux et enregistre tout ce que tu vois. Dis-toi simplement que ces gens célèbrent un événement vieux de 2 300 ans qui a bien failli marquer la disparition d’un peuple. Tu as devant toi ce que Streicher a rêvé de voir disparaître et dont il a pressenti le regain au moment de sa mort. »
    Instinctivement, le temps d’un éclair, j’essaie d’imaginer Streicher, en ce jour de Pourim, devant le mur à Jérusalem… L’image me fait sourire, mais je n’y arrive tout simplement pas : elle est trop fantasque, trop éloignée de la réalité, trop déconnectée de ce spectacle vivant qui se déroule devant nous… Des cris et des huées s’échappent à présent des petits groupes de fidèles : l’officiant doit avoir prononcé le nom fatidique d’Aman, conspué systématiquement par l’assemblée. J’ai à peine le temps d’avoir une pensée pour les repas de Pourim autour de ma mère qu’un homme s’approche de nous. La soixantaine, les cheveux poivre et sel, son châle de prière sur les épaules, il nous explique, avec un léger accent rugueux, qu’il nous a entendus parler français et se demandait si nous avions besoin d’aide ou d’explications sur le Kotel. Déclinant poliment son offre, nous engageons une discussion au cours de laquelle

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