Le Code d'Esther
« Sur le plan esthétique, ce n’est pas un modèle d’architecture, reconnaît le Rav Chaya, mais depuis sa construction les attentats ont cessé… » Et puis, juste en face de nous, à 500 mètres à vol d’oiseau, s’élève le dôme d’une mosquée. « Elle a été construite à l’emplacement exact du tombeau du prophète Samuel, que vénèrent, comme nous, les musulmans. Le plus étonnant, c’est qu’au même endroit, cohabitant dans le même espace, il y a une yeshivah ! Et après ça, on dira que Juifs et Arabes ne s’entendent pas ! »
Il est né en Suisse, où s’étaient établis ses parents, originaires d’Israël, Juifs non pratiquants. « La vie était dure ici, dans les années 1960, ils pensaient avoir trouvé au cœur des Alpes un cadre plus serein pour élever leurs enfants. » En 1979, sa maturité 4 en poche, il décide de rejoindre le pays de ses parents, en quête de ses racines. Il arrive ici à Jérusalem, où il étudie pendant un an la philosophie. Les questions existentielles le conduisent doucement vers la Torah, qu’il découvre avec surprise et émerveillement. Dès lors, il décide de rester en Israël et fait sa techouva , son retour aux sources, avec une observance stricte de la religion. Cela ne le dispensera pas du service militaire, et, en 1982, il participe à la guerre du Liban – « Période difficile à laquelle un jeune homme de 20 ans n’est pas préparé. Mais pour moi, c’est une évidence : je sers avec les armes le pays que je me suis choisi ». Lorsqu’il quitte l’armée, il se lance à corps perdu dans l’étude de l’hébreu biblique, de l’araméen et des textes sacrés. Il rend parfois visite à ses parents, qui le considèrent comme un illuminé. « Je dois vous avouer que ma mère, en particulier, ne supportait pas ce qu’elle appelait mes “toc”, le fait que je me lave les mains à tout bout de champ, avant de manger du pain, de la viande ou du poisson, après chaque repas ou au moment de la prière. » Malgré tout, il parvient à la convaincre d’assister à un séminaire de sensibilisation à la religion, et le miracle – très relatif, précise-t-il dans un éclat de rire – se produit : sa mère est touchée par la foi et devient pratiquante. En 1991, il crée sa propre école, institution qui compte aujourd’hui une soixantaine d’étudiants francophones.
« Tout cela pour vous dire, et pour en terminer avec l’histoire de ma courte vie, que je ne suis pas croyant. Je suis sachant … »
Et, devant nos mines ébahies, d’insister : « Je ne crois pas. Je sais ! »
L’invitation à une discussion métaphysique est claire, et, un instant, je me sens au bord d’y succomber. Mais, même si l’envie ne me manque pas, je décide de ne pas le relancer sur cette déclaration de foi afin d’en arriver au motif de notre visite : les menaces sur le peuple juif contenues dans le Livre d’Esther et le rapport de celui-ci avec la Shoah.
« Avant d’aborder le Livre d’Esther proprement dit, je voudrais évoquer un texte vieux de 1 500 ans où apparaît pour la première fois une référence précise à l’Allemagne et au rôle que celle-ci pourrait jouer dans l’extermination des Juifs. Il s’agit du traité de Meguila datant de l’an 450 de l’ère chrétienne. Vous en avez sans doute déjà entendu parler : c’est un ensemble de commentaires et de règles liés au Livre d’Esther. À la page 6b, on trouve le passage suivant… »
Il a endossé son habit de conférencier, de pédagogue qui tient à partager son savoir et veut convaincre. Il parle sans recourir à des notes mais n’hésite pas à produire un livre de sa bibliothèque pour appuyer ses propos.
« Aux pages 6a et 6b, donc, on trouve la citation suivante : “Jacob s’adressa à Dieu et Lui dit : ne laisse pas Esaü accomplir ses mauvais desseins. Il s’agit des 300 têtes couronnées de Germamia d’Edom car si elles sortaient, elles détruiraient le monde entier.”
» Petit rappel historique : Esaü est le frère de Jacob. Il a accepté d’échanger son droit d’aînesse contre un plat de lentilles. Il voue depuis lors une haine féroce à Jacob et à son peuple, dont il a juré la perte. Esaü est le grand-père d’Amalek, considéré dans la Bible comme le Mal absolu.
» Première remarque : “Germamia” sonne un peu faux à nos oreilles. Mais pourquoi un “m” dans la dernière
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