Le Code d'Esther
apprendrez va bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer… Je vous attends à dîner la semaine prochaine ? »
III
Rencontres à Jérusalem
L ’effervescence de la première heure s’est transformée en une légère torpeur parmi les passagers. La plupart somnolent ou feuillettent des magazines, histoire de rafraîchir leurs connaissances sur les événements de la « planète people ». Pas moi. Dans deux heures, nous arrivons en Israël et – si les choses se déroulent comme je l’espère – je devrais connaître enfin la solution de toute cette énigme.
« Tout va bien ? »
Assis à mes côtés, Yohan exulte. Il ne s’est pas rasé depuis trois ou quatre jours et affiche un sourire radieux. Ce voyage, c’est une victoire pour lui, la preuve que ses recherches n’ont pas été vaines, le début d’une réhabilitation après des années de galère, de railleries et de vexations. Et je sais que le fait de se retrouver avec moi dans cet avion le rassure et le conforte dans ses convictions.
« Tu comprends mieux maintenant pourquoi tu devais faire ce chemin tout seul ? Il fallait que tu découvres par toi-même ce qui m’avait demandé des années de travail, que tu en tires tes propres conclusions et que tu décides, à ton tour, de la suite à donner à cette histoire… Désormais, nous sommes à égalité, tu en sais autant que moi. Enfin, presque… Mais dans deux jours, ce sera le cas… »
Après Nuremberg, après ma rencontre avec trois des figures de mon « Carré d’as », il était devenu évident que nous n’avions pas le choix. Si nous voulions poursuivre, lui sa quête et moi, mon enquête, nous devions faire le voyage à Jérusalem. C’était comme un saut dans l’inconnu, avec son cortège d’impatience, d’excitation et d’angoisse, que j’essayais d’adoucir par la réflexion et l’analyse.
« Précisément… Qu’est-ce que l’on sait aujourd’hui ? On a un type, un nazi que tout le monde décrit comme “dégoûtant”. Il s’appelle Julius Streicher et il est condamné à mort par le tribunal de Nuremberg. Et juste avant d’être pendu, à la surprise générale, ce type crie : “C’est Pourim 1946 !”…
— On a d’autre part un texte vieux de 2 000 ans, poursuit Yohan, considéré par tous les docteurs de la foi comme un livre à part, le seul qui restera à la fin des temps, où le nom de Dieu n’apparaît jamais et qui semble receler de nombreux mystères… Et, pour une raison que nous ignorons, il semble qu’il existe un lien entre le Livre d’Esther et le procès de Nuremberg.
— … et nous sommes en route pour essayer de décrypter ce qui paraît être un code et résoudre un anachronisme.
— Mieux que ça, s’écrie Yohan, les yeux brillants. Nous allons voir le maître en la matière, celui qui possède la solution, celui qui va nous guider ! Et nous n’avons pas choisi n’importe quelle période pour aller à Jérusalem : nous allons y célébrer… Pourim ! C’est là que tout a commencé ! »
À l’évidence, notre démarche est différente. Je préfère, pour le moment, penser que notre association est un gage de succès : les connaissances religieuses de Yohan alliées à mes méthodes d’investigation devraient nous conduire sinon à la Vérité avec un « V » majuscule, du moins à une meilleure compréhension du mystère auquel nous sommes confrontés.
La nuit est à présent tombée et Yohan est perdu dans ses réflexions spirituelles. Pour passer le temps, j’examine les passagers qui m’entourent, essayant d’identifier les agents de sécurité qui accompagnent incognito chaque vol d’El Al afin de répondre à tout acte de terrorisme. Je sais pourtant, par expérience, que l’emploi ne détermine pas le physique, et que derrière cet homme musclé qui semble somnoler, de l’autre côté de l’allée centrale, avec à la hanche un boursouflement qui pourrait bien receler une arme, ne se cache pas forcément un membre du Mossad. La présence de ces hommes (ou de ces femmes) ainsi que le blindage de la carlingue garantissent en tout cas à la compagnie un taux de remplissage exceptionnel sur tous ses trajets. Et tant pis si, durant des années, les vols d’El Al étaient un peu plus longs que les autres en raison du refus d’un certain nombre de pays arabes de laisser la compagnie israélienne survoler leur territoire. Dans les années 1970, la compagnie était
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