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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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nuit.
Mon nom ne vaut pas mieux que celui d’un Guy de Lusignan, puisqu’on m’accuse
d’avoir trahi et de m’être acoquiné avec Saladin. Pourtant, si je me suis
entendu avec lui, c’était – foi jurée ! – pour parler de paix.
Non pour livrer le royaume où Notre Seigneur Christ a tant souffert. Quant au
nom de frère Morgennes, ce héros dont il faudra bien un jour chanter la
légende, il sonne désormais pour bon nombre de chrétiens comme les noms infâmes
de Gérard de Ridefort ou de Renaud de Châtillon.
    Tripoli s’essoufflait. Il eut un râle, sa femme lui serra la
main un peu plus fort. Beaujeu appela le frère infirmier.
    — Laissez-le tranquille, je ne veux pas de ce sorcier
qui ne sait même pas distinguer un lépreux d’un bien portant ! s’épuisa
Tripoli. Je ne veux pas le voir.
    Beaujeu annula son ordre, mais déplaça les cassolettes
d’encens qui envoyaient leurs fumées dans la figure du vieux comte.
    — Frère commandeur, dit Tripoli, je veux que l’on
confie une mission à Morgennes. Quarante jours suffiront, ensuite, à vous de
juger.
    — Quelle mission ? demanda Beaujeu.
    — Confiez-lui la tâche dont Sa Sainteté vous a chargé.
Morgennes retrouvera la Vraie Croix, je vous en donne ma parole. Il ne faillira
pas. Il n’a jamais failli d’ailleurs. Demandez-lui de retrouver une épée, il la
retrouve, de vous rapporter les larmes d’Allah, il vous les livre, n’est-ce
pas, Morgennes ?
    Morgennes tressaillit.
    — Mais nous n’avons pas l’intention de…, commença
Alexis de Beaujeu.
    — Tsss, coupa Tripoli. Que croyez-vous ? Que je ne
sais rien de ce mystérieux chevaucheur portant turban et maniant l’arbalète qui
est venu vous voir la semaine dernière ? Allons, il vous a remis une bulle
signée d’Urbain III vous ordonnant de différer l’envoi de troupes à
Jérusalem, et de retrouver la Vraie Croix, Modis Omnibus…
    —  Justement, dit Beaujeu. Une caravane
transportant plus de deux cent mille besants d’or, soit la rançon d’un roi, que
nous prêtent nos frères de l’hospice de Samson, à Constantinople, se dirige en
ce moment même vers nous. Une de nos patrouilles, conduite par l’ancien écuyer
de Morgennes, le frère Emmanuel, vient de partir à sa rencontre. Une fois l’or
en notre possession, nous rachèterons la Vraie Croix à Saladin.
    — Qui vous a dit que l’or l’intéressait ? lança
Tripoli.
    — Saladin serait-il si différent des autres ?
répliqua Alexis de Beaujeu.
    — Ce n’est pas de l’or qu’il vous faut, c’est un homme.
Et cet homme, c’est Morgennes.
    — Mais le marché du pape…
    — Est indigne d’un pape ! Pardonnez-moi, beau doux
sire commandeur, mais mettre ainsi en concurrence le Temple et l’Hôpital, c’est
revenir sur le concile de Troyes de 1128, où fut adoptée la règle des
Templiers ; c’est salir la mémoire de Callixte II, qui chargea
l’ordre des Hospitaliers de la défense du Saint-Sépulcre, et c’est faire peu de
cas d’Innocent II et d’Eugène III, qui l’un accorda aux Templiers
leurs privilèges, et l’autre l’honneur de porter la croix. Enfin, c’est
condamner à mort les deux ordres et le royaume franc de Jérusalem, quelle que
soit l’issue de cet ignoble marché.
    — Seigneur, beau doux frère commandeur, intervint
Morgennes, de quel marché parlez-vous ?
    Tripoli lui résuma toute l’affaire, puis conclut :
    — Rome se lasse de Jérusalem. Rome en a assez de cette
ville qui lui fait de l’ombre, de ces roitelets, de ces petits princes, petits
barons, petits comtes, qui pleurent et se lamentent parce qu’un Saladin les
menace ! Rome ne supporte plus que l’Hôpital et le Temple soient si
puissants. Cela offense le clergé. Elle veut les châtier et rappeler à tous qui
commande. Enfin, que la politique de l’Orient se fasse à Jérusalem plutôt qu’à
Rome, ça jamais ! Plutôt ne pas la faire du tout !
    — C’est là, hélas, la triste vérité, rappela Alexis de
Beaujeu. Sa Sainteté Urbain III permettra à celui des deux ordres qui
récupérera la Vraie Croix de continuer d’exister. L’autre sera dissous, et ses
biens partagés pour moitié entre l’ordre vainqueur et Rome.
    — Et c’est pourquoi je dis, haleta Tripoli, que les
deux ordres, Rome, et le royaume de Jérusalem sont à jamais perdus ! À
jamais ! Maudits par la faute d’un pape qui se préoccupe plus du Saint
Empire que du

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