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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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jeter tête baissée. Il avait commandé un bataillon de
chevaliers du Temple et de l’Hôpital, au mois de mai dernier, lors du désastre
de Casai Robert, et les Hospitaliers avaient chèrement payé ses folies :
leur précédent maître, Roger des Moulins, était mort avec ses hommes. Ridefort,
lui, s’était enfui.
    L’animosité entre les deux ordres, déjà grande, s’en était
trouvée exacerbée.
    Que cherchait au juste Ridefort ? À mourir en martyr,
les armes à la main ? Mais alors, il en avait déjà eu plus de mille fois
l’occasion – notamment à Hattin. Toujours il avait fui, causant la mort de
plusieurs des siens.
    On parlait de trahison et d’entente secrète avec Saladin.
Comment se faisait-il que Ridefort n’ait pas été, lui aussi, décapité à Hattin,
ou crucifié comme son comparse, Renaud de Châtillon ? Des rumeurs le
disaient en compagnie de Sarrasins vêtus comme des Templiers, ordonnant la
reddition aux chevaliers du Temple qui continuaient de résister.
    Bon nombre l’avaient écouté et l’avaient payé de leur vie.
    Cependant, Ridefort ne s’arrêtait pas, et chevauchait de
château en château, ses Templiers du diable avec lui, et même, disait-on, la
Vraie Croix. Elle était la clé des places fortes du Temple. Quand la voix de
Ridefort ne suffisait pas, un Templier venait à cheval sous les murailles de la
forteresse rebelle, et brandissait majestueusement le Saint Bois à la vue des
assiégés. Alors Ridefort s’écriait : « Qui êtes-vous pour ne pas
obéir au maître de votre ordre et à celui de votre vie,
Jésus-Christ ? »
    Le plus souvent, les garnisons se rendaient en voyant la
Vraie Croix.
    Les rares Templiers qui osaient s’opposer à Ridefort, et
donc au Christ, mouraient les armes à la main. Ou bien, s’ils se rendaient, les
Sarrasins les clouaient tête en bas sur une croix pour prolonger leur agonie.
    Le Temple n’avait plus de véritable maître, et à Paris les
débats faisaient rage : fallait-il ou non en élire un nouveau, ou attendre
que Saladin leur rendît Ridefort ? Et en échange de quoi, la règle de
l’ordre interdisant de donner autre chose que la ceinture et le couteau d’arme
d’un chevalier pour sa rançon ? On s’opposait sur chaque point, et la
maison des Templiers menaçait d’imploser.
    En Terre sainte, seules deux personnes semblaient à même de
prendre, momentanément, les rênes de l’ordre : le frère sénéchal du
Temple, Onfroi de Thiérache, qui avait réussi à quitter Hattin sain et sauf, et
le patriarche de Jérusalem, Héraclius, qui n’y était pas allé. Ce dernier, bien
que n’étant pas Templier lui-même, jouissait auprès des membres de l’ordre
d’une influence considérable – et pernicieuse, disaient certains.
    En fait, on s’orientait plutôt vers une autre solution. À
Paris, on parlait de proposer un Anglais au prochain chapitre du Temple, afin
de se concilier les bonnes grâces d’Henri Plantagenêt, qu’on cherchait à
convaincre de se croiser.
    C’est pourquoi, connaissant les difficultés traversées par
le Temple et les craignant plus que les Assassins, frère Gauvain, qui
commandait la caravane convoyant les deux cent mille besants d’or, avait donné
l’ordre de passer par le nord.
    Il avait raisonné à peu près de la même manière que frère
Emmanuel.
    En d’autres circonstances, l’idée eût été bonne. En fait,
nord ou sud, ils étaient condamnés. Dès le déchargement des navires, à Tripoli,
un espion à la solde du Temple les avait suivis et ne les avait plus quittés.
Par pigeon voyageur, il avait renseigné ses maîtres sur les mouvements de la
caravane et sur la taille de son escorte, soit une cinquantaine de cavaliers, dont
cinq frères chevaliers, dix frères sergents portant le manteau noir à la croix
rouge, et trente-cinq auxiliaires – cavaliers et archers.
    Après avoir envoyé son message, l’espion avait donné deux violents
coups de talon dans les flancs de sa jument et filé dans la direction du djebel
Ansariya, droit vers la forteresse d’El Khef – fief des Assassins.
    À l’heure où il disparaissait derrière la montagne, la brume
ne s’était pas encore levée. La petite caravane d’Hospitaliers courait vers son
destin et ne le savait pas.
    Pourtant, l’inquiétude était grande.
    Les hommes, superstitieux comme le sont les guerriers,
s’ingéniaient à voir dans les manifestations de la nature des signes de leur
perdition

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