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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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future. Ainsi, parce que de fins jets de vapeurs jaillissaient par
endroits du sol et emplissaient l’air d’odeurs soufrées, ils se signaient en
tremblant et murmuraient entre eux : « C’est l’enfer qui
soupire… »
    Ils se regroupaient alors autour du gonfanon de leur ordre,
tendaient l’oreille, regardaient de tous côtés et cherchaient à prévenir la
venue d’un danger qu’ils sentaient imminent Aussi cheminaient-ils, la lance sur
la cuisse, l’écu sur la poitrine, malgré la fatigue et l’engourdissement qui
gagnaient.
    Ils chevauchèrent ainsi toute la journée. De temps à autre,
deux frères poussaient un galop de reconnaissance, escaladaient un monticule,
et revenaient vivement vers leurs compagnons, après s’être assurés qu’aucun
ennemi n’était en vue. Les chameaux, reliés par des longes, avançaient
paisiblement. Les coffres sanglés sur leurs bosses leur donnaient l’allure
d’animaux fabuleux aux ailes repliées.
    Des Turcs les menaient. Ils leur parlaient un langage
incompréhensible, fait de claquements de langue, d’accents gutturaux et de
coups de badine – ces derniers étant d’ailleurs parfaitement compris des
chameaux, qui répondaient en blatérant.
    Le soleil était haut dans le ciel, quand, à l’approche d’un
village en ruine, frère Gauvain leva la main et dit à ses hommes :
    — Hébergez-vous, seigneurs frères, de par Dieu !
    Ensuite, deux frères se détachèrent de la caravane et
partirent en patrouille dans la direction de l’est. Comme la brume
s’épaississait, Gauvain leur lança :
    — S’il y a quoi que ce soit, sonnez du cor !
    Les auxiliaires regroupèrent les chameaux dans une maison
aux murs écroulés et s’assirent, certains sur un pan de muraille effondré, la
plupart à même le sol où se lisaient les débris de vies parties en fumée :
morceaux de lits cassés, pieds de tables et de chaises calcinés, éclats de
poteries, lambeaux de vêtements. Chacun sortit de sa besace un couteau, une
écuelle, un pain et une flasque de vin. L’un des frères appela les hommes à
venir chercher à tour de rôle leur part de viande. Quand tous eurent de quoi
manger, un frère récita des patenôtres, et le repas commença.
    C’est alors qu’un étrange silence s’abattit sur eux. Même le
vent était tombé.
    Frère Gauvain donna l’ordre à ses soldats de s’équiper et de
se lever. Lui-même, aidé de son écuyer, remonta à cheval et invita les frères
chevaliers à l’imiter. Ce n’était peut-être rien, mais ce silence n’était pas
normal.
    De la brume sortit un cavalier.
    Il ne devait pas se trouver à plus de dix toises, et
pourtant, ils ne l’avaient pas entendu. La brume avait étouffé le bruit des
sabots de son cheval et les cliquetis de son armure. Le cavalier avançait,
imperturbable et muet, dans leur direction.
    Gauvain décida de ne pas attendre et chargea, lance au
poing, bouclier bien en main. Arrivé à quelques pas seulement du cavalier, il
vit que celui-ci portait une armure toute blanche, un écu blanc et un manteau
blanc. Son heaume aussi était immaculé, tout comme son cheval. Enfin, détail
intéressant, il portait une lance au bout de laquelle flottait un
étendard : le vexillum de saint Pierre. Gauvain reprit espoir et
demanda au mystérieux cavalier :
    — Qui es-tu, et que viens-tu faire ici ?
    Pour toute réponse, le cavalier abaissa sa lance et la
pointa dans la direction de la caravane. Déjà, la plupart des frères étaient
remontés à cheval et s’apprêtaient à charger sur l’ordre de Gauvain.
    — Quelle est cette caravane ? l’interrogea le
cavalier blanc.
    — Ce n’est pas ton affaire, dit Gauvain. Dis-nous qui
tu es, ou passe ton chemin.
    — Je suis venu vous avertir, rétorqua le cavalier.
Donnez-nous votre or ou mourez.
    — Alors prépare-toi à combattre ! répondit
Gauvain.
    Il éperonna son cheval et chargea, mais la monture du
mystérieux cavalier blanc fit un écart et l’évita. Puis un sifflement retentit
dans l’air, et une flèche vint se ficher dans la poitrine de frère Gauvain.
Surpris, mais pas désarçonné, celui-ci regarda la penne du carreau qui lui
était entré dans la poitrine, et eut un mince sourire – son dernier –
en voyant qu’elle était blanche. Gauvain comprit qu’il allait mourir ;
pourtant, il ne ressentit aucune peur, aucune douleur. La penne du carreau se
couvrit de rouge. Gauvain tenta de crier pour avertir ses frères,

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