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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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    La nervosité extrême de Thibaude de Gartempe, sœur hôtelière, depuis qu'elle avait pénétré quelques secondes plus tôt hors de souffle dans son bureau, crispait Annelette Beaupré qui retenait avec peine la pesterie qui lui montait aux lèvres. L'autre tournait sur elle-même, agitait les bras telle une oie affolée, ouvrait et fermait spasmodiquement la bouche à la manière d'une carpe sautée hors le vivier. Au lieu de cela, Annelette s'entendit conseiller avec mesure :
    – Calmez-vous, ma chère fille, et m'expliquez la raison de votre émoi.
    « Oooh… » fut la seule réponse qu'elle obtint d'abord. Connaissant les débordements de nerfs de Thibaude, Annelette refusa de s'alarmer plus que de raisonnable. Elle parvint à maintenir un sourire angélique pendant que l'autre reprenait son sens.
    – Ma mère… votre frère…
    – Mon frère ? Lequel ?
    – De sang.
    – Grégoire ?
    – Oui-da… Il patiente… au parloir et a requis l'honneur d'une conversation avec vous.
    Annelette Beaupré se redressa d'un élan. Un flot de souvenirs amers l'envahit et elle inspira avec peine. Que venait faire Grégoire aux Clairets, trente ans après le départ de sa sœur unique de la maison familiale ? Ni lui ni leur père n'avaient jamais daigné lui faire parvenir de nouvelles de la mesnie, et encore moins s'enquérir de sa santé. Annelette avait appris le trépas de sa mère avec plusieurs années de retard. Son père et son frère s'étaient partagé l'héritage de la petite femme grise qui attendait en soupirant de rejoindre les jardins d'anges qu'elle imaginait à longueur de journée. Certes, Annelette, ayant renoncé à toutes possessions terrestres, aurait offert sa part à l'abbaye devenue, au fil des ans, sa seule famille, son unique univers. Toutefois, elle aurait aimé conserver le psautier dont sa mère avait brodé la couverture d'une multitude de créatures souriantes et ailées.
    Grégoire se leva à son entrée dans le parloir et demeura planté là, de toute évidence mal à l'aise. Il était devenu gras, le mire. D'une vilaine graisse molle et blanche. Quant à son fils âgé d'une quinzaine d'années qui l'accompagnait, il ressemblait de consternante manière à son père.
    Annelette attendit, peu désireuse de lui faciliter la tâche, omettant de l'inviter à s'asseoir, ne serait-ce que pour lui signifier que l'entrevue serait brève.
    – Ma sœur bien-aimée… euh, ma mère…
    – Mon fils, mon frère, l'imita-t-elle d'une voix plate.
    – Quelle n'a pas été notre joie, que dis-je, notre exultation lorsque nous avons appris la nouvelle de votre élection par le chapitre.
    – Vraiment ? Vous êtes donc bien mieux informé que moi puisque j'ignore si notre père est toujours bien vif.
    Les lourdes bajoues s'avachirent un peu plus.
    – Hélas, annonça Grégoire d'une voix altérée de chagrin, il a passé il y a près de dix ans maintenant. Une mauvaise fièvre pulmonaire qu'en dépit de ma science et de mes efforts je n'ai pu guérir.
    Encore une bévue médicale, songea Annelette. Au moins, son père en aura été une des victimes à l'instar de tant de leurs patients à tous deux.
    – Permettez, ma sœur… ma mère, que je vous présente votre neveu de sang, Thibaud, mon dernier-né d'une deuxième union. Hélas, le sort s'acharne décidément sur notre famille. Mon épouse est décédée en couches, tout comme la première.
    Car tu auras insisté pour la délivrer en te passant des services d'une ventrière expérimentée qu'il aurait fallu rémunérer. Qu'attends-tu de moi, Grégoire, pour que ton échine se courbe si volontiers ? Fais vite. Je n'ai que peu de patience et elle ne t'est pas destinée.
    – J'ai fort à faire, mon fils. Je me doute que votre trajet jusqu'aux Clairets fut épuisant et vous offre l'hospitalité pour la nuit et le souper en notre hostellerie.
    – Oh… je m'en veux d'abuser de votre temps que je sais compté. L'objet de ma visite, outre le bonheur de vous voir en si belle santé… Eh bien, c'est un peu délicat. Tout coûte odieusement cher, vous le savez…
    Et tu es aussi fesse-mathieu 1 que ton père.
    – J'ai quatre fils à placer. Fort heureusement, nulle donzelle… Euh, avec tout le respect qui est le mien pour la douce gent. Qu'ils rejoignent l'armée, la robe ou la médecine, les installer me revient à une fortune.
    – Ne possédant rien, en quoi puis-je vous être de secours ?
    Il

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