Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
songea-t-il. Elles s'effarouchent d'une souris mais bravent un tribunal inquisitoire afin d'améliorer l'ordinaire de leur progéniture. Pilais tergiversa encore quelques instants. Au fond, cette femme ne lui offrait-elle pas un magnifique remède au déplaisir croissant que lui procurait l'incarcération abusive de monseigneur d'Authon qu'il savait innocent ? En habile politique, il n'avait pu le libérer, même après avoir reçu les compléments d'enquête exigés. En revanche, ce témoignage livré devant des témoins ecclésiastiques était aussi providentiel que controuvé. Et Jacques du Pilais qui, durant sa longue existence, avait infatigablement traqué le mensonge, s'entendit déclarer d'un ton faussement dépité :
    – Mes frères, en mon âme et conscience, je crois que nous pouvons ajouter foi aux dires de cette femme. Toutefois, elle devra faire trois neuvaines afin que Dieu lui pardonne d'avoir retenu si longtemps la vérité. Notaire, veuillez consigner ce jugement. Monseigneur d'Authon est donc libre. Agnan, vous l'en informerez dès aussitôt.
    Le jeune clerc fonça vers la porte sans un regard pour Bernadette Carlin, qu'il avait approchée quelques jours auparavant afin de lui proposer un lucratif marché.
    Demain, dès avant l'aube, il lui remettrait la bourse promise. Dans une petite année, afin d'écarter tout soupçon, Bernadette déménagerait à Chartres. Elle y vivrait enfin une existence qui ne soit plus que de terreur du lendemain.
    Une réconfortante pensée vint au jeune homme : décidément, l'assassinat du monstre Florin se soldait par de beaux dédommagements.
    1 Brodeuse spécialisée dans la réalisation d'orfrois, de passementeries, de broderies d'or qui ornaient les vêtements précieux.

Palais du Vatican, Rome, octobre 1306
    – De qui provient cette missive ?
    – Je l'ignore, Éminence, répondit l'huissier en s'inclinant encore davantage. Un des gardes de l'enceinte a précisé qu'un cavalier fourbu, un messager français, la lui avait remise. J'ai pensé qu'il ne s'agissait donc pas d'un des innombrables quémandeurs qui vous harcèlent chaque jour, et cela bien que son expéditeur n'ait pas jugé bon d'apposer son sceau sur le cachet de cire, ni de tracer son nom sur le rouleau.
    Honorius Benedetti congédia l'homme d'un petit mouvement de tête et tourna la missive entre ses doigts avant de la dérouler. Son regard chercha en vain une signature. Le déplaisir crispa ses lèvres. Qu'était-ce ? Une lettre anonyme. Quelle outrecuidance ! Il en prit pourtant connaissance. Son cœur s'emballa à mesure qu'il déchiffrait la haute écriture nerveuse. Il lui sembla que son cerveau se déchirait avec violence et il dut relire les mots insensés, inacceptables, avant de les comprendre.
    Éminence,
    Il nous a semblé de courtoisie de vous informer du trépas de madame Aude de Neyrat que l'on nous a désignée comme l'une de vos amies. Un terrible accident en est l'origine. Il semble que madame de Neyrat ait involontairement dérangé une ruche, dont l'essaim s'est rué sur elle.
    Madame de Neyrat a été enterrée à Chartres, où elle résidait, après un service religieux en la cathédrale.
    Rien d'autre. Rien. Une infinité de rien. Le vide de son esprit, le gouffre au creux de sa poitrine. Une douleur en coup de lame le plia sur son bureau. Il haleta, bouche ouverte, luttant contre la suffocation. La horde de ses plus vils souvenirs déferla comme si seuls les yeux vert émeraude en amande avaient été capables de les repousser. Un gémissement ininterrompu l'assourdit et il mit un certain temps à comprendre qu'il sortait de sa gorge. Les larmes dévalèrent, trempant la main sur laquelle il avait posé sa joue, tel un enfant désespéré. Tout cela, tout ce pour quoi il luttait depuis si longtemps n'avait-il véritablement aucun sens ? S'était-il fourvoyé depuis le début ? Dieu lui envoyait-Il un ultime avertissement ?
    Benoît, qu'il aimait plus qu'un frère, plus que son aîné de sang, dont il ordonnait l'enherbement et qui expirait entre ses bras. Aude, magnifique Aude, qu'il arrachait au bourreau d'Auxerre et dont il causait le trépas plus tard. Il s'interdit la vision du sublime visage boursouflé de venin. Les deux seuls êtres qu'il eût véritablement aimés. Les deux seuls capables d'alléger ses jours.
    Seul. Sa vie était un cimetière sinistre où il divaguait seul. Aucun tendre fantôme n'escorterait ses errances au milieu des tombes

Weitere Kostenlose Bücher