Le combat des Reines
princesse, du
Hainaut, de Brabant, voire d'Espagne.
Guido hocha la
tête.
— J'en ai
parlé avec la reine douairière ; elle estime que ce n'est que vains
bruits.
— Et
Chapeleys ?
— Il
semblerait avoir insisté auprès de Langton pour qu'il aborde le sujet avec le
roi, qu'il regagne sa liberté, abandonne les autres évêques et, au nom du
souverain, qu'il adresse une supplique au Saint-Père afin que ce dernier annule
l'union avec Isabelle.
— Le pape
Clément aurait-il accepté ?
— Chapeleys
prétendait que oui, à condition de supprimer les Templiers et qu'Édouard
soutienne la papauté contre Philippe. C'est ce que m'a raconté Langton pendant
que je le soignais. En fin de compte, pourtant, comme la reine douairière,
Langton ne voyait en Chapeleys qu'un beuvereau, un ivrogne. Jusqu'à maintenant,
madame, je jugeais que tout cela n'était que rumeur sur rumeur, mais la
nouvelle que vous avez annoncée change tout : la grossesse de la reine
mettrait certainement fin à toute idée d'annulation.
— Pourrait-on
avoir tué Chapeleys pour ses propos ?
Guido fit une
petite grimace.
— Chapeleys
avait à l'évidence la langue bien pendue et envie de s'échapper de la Tour. Il
a pu être prêt à raconter n'importe quoi.
— On
pourrait donc l'avoir fait taire ? Ou peut-être a-t-il compris ce qu'il
faisait, ce qui pouvait lui arriver, et sombré dans le désespoir.
Une porte
s'ouvrit plus loin dans la galerie ; Guido posa un doigt sur ses lèvres.
— Nous
continuerons cette conversation plus tard, souffla-t-il.
Et il s'en alla.
Je repris mon
chemin. Les gardes me laissèrent entrer dans l'enceinte du manoir de Bourgogne.
J'avais parcouru la moitié de l'allée lorsqu'on m'appela. Ap Ythel sortit d'une
pièce latérale du corps de garde et, agrippant son épée, me rejoignit en
courant. Il m'apprit que Robert le palefrenier, bien qu'il eût le cou
endolori — précisa le Gallois avec un large sourire —, m'était
fort reconnaissant d'être intervenue. Robert avait demandé, si je lui faisais
la grâce d'y consentir, s'il pourrait un jour venir lui-même me remercier.
L'esprit ailleurs, j'acceptai et repartis sans perdre plus de temps vers les
appartements de ma maîtresse. On y était très affairé. Des servantes de sa
maisnie et d'ailleurs apportaient des tissus coûteux provenant de marchands
londoniens désireux de gagner les faveurs de la souveraine. Elles les
déployaient sur les coffres, les arches, les tabourets, les tables. Isabelle,
ses cheveux d'or sur les épaules, vêtue d'une simple tunique couleur
feuille-morte, évaluait les étoffes avec son intendant, Walter de Boudon. Elle
se dit surprise de mon soudain retour, mais saisit mon regard et nous nous
retirâmes dans sa chambre. Courtepointes et draps y étaient encore en désordre.
Elle s'empara d'un oreiller, s'assit au bord du lit comme une enfant en
balançant les jambes, et leva les yeux vers moi, dans l'expectative.
— Ma tante
bien-aimée désire-t-elle m'envoyer une dent de Goliath, qui, je le suppose,
pèse dix livres, ou a-t-elle découvert le doigt de Véronique ou l'orteil de
Madeleine ?
— Votre
tante bien-aimée, rétorquai-je, croit à présent que vous êtes grosse.
Isabelle lâcha
l'oreiller quand je lui narrai ce qui était arrivé. Je m'excusai en partie tout
en expliquant pourquoi j'avais agi ainsi : cette nouvelle pouvait faire
gagner du temps et peut-être réduire les adversaires du roi au silence. Ma
maîtresse écoutait, fascinée, la tête un peu penchée de côté, méditant sur ce
que j'avais annoncé. Son ravissant visage changea d'expression. Yeux mi-clos,
air tendu, lèvres entrouvertes, elle claqua de la langue. Elle ramassa
l'oreiller et le serra contre elle, comme si elle berçait un enfant.
— Oh,
Mathilde, vous avez non seulement introduit un goupil dans le poulailler, mais
vous l'y avez enfermé ! ! Bon, bon, ajouta-t-elle en riant, il est
parfois nécessaire de conduire autrui par le licol, comme on le ferait d'un
âne. Je réfléchirai à ce que vous m'avez appris. D'une certaine façon, ce n'est
que pur bavardage, mais il sera intéressant de semer la graine et de voir ce
qu'elle donnera. Après tout...
Elle sourit.
— ... c'est
pour cela que je suis ici, n'est-ce pas, pour engendrer un fils ?
— Peut-être
pas, répliquai-je.
Je lui fis part
alors de ma conversation avec Guido.
— Voilà
bien d'un bravache, murmura Isabelle, mais ce qu'il dit
Weitere Kostenlose Bücher