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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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lac.
    - On va le guetter, avait alors décrété Morandi.
    Le fils de Maria avait dû s'asseoir près de lui sous les massifs de lauriers, malgré la pluie qui, en ce printemps tardif, tombait encore, drue et froide.
    - Ma mère est une putain. Tu l'as vue, avec cet officier, ce porc! Tu l'as vue!
    Il avait dû répondre par l'affirmative. Morandi l'avait alors empoigné par le cou : - Ta mère aussi est une putain, dis-le !
    Mais il avait eu beau frapper le fils de Maria, qui ne s'était point défendu, jamais Carlo Morandi n'avait réussi à lui faire répéter ces mots-là.
    Leiburg était revenu de Dongo. Il marchait dans le parc à grandes enjambées, pressait la mère de Morandi de partir. Le bateau attendait. Elle devait fuir seule, disait-il. Lui, gagnerait Côme par la route. Il était officier allemand, pas fasciste. Il n'avait rien à voir avec Mussolini. On ne le tuerait peut-être pas. Mais eux, les Italiens, les Chemises noires, on les haïssait. Elle devait comprendre!
    L'homme se souvenait de ces mots échangés devant la grille du parc, puis de la comtesse Italina Bardi qui criait : « Il faut passer par le souterrain! » De la mère de Carlo qui, son manteau de fourrure lui battant les chevilles, courait sur les graviers, disparaissait dans la cave. Et le moteur de la barque qui hoquetait, en bas contre la berge, à la sortie du souterrain.
    La Villa Bardi s'était vidée en quelques heures. On tirait sans discontinuer dans les montagnes du nord, mais c'était des sons assourdis, lointains, que le vent ne poussait plus et qu'aucun écho ne faisait rouler d'une rive à l'autre.
    Carlo Morandi allait et venait dans le parc, donnait des ordres : « Suis-moi », « Couche-toi », « Debout. » « Va voir. » Il brandissait une longue baïonnette allemande dont il menaçait le fils de Maria : « Obéis », Avance. »
    Il avait fallu sortir du parc, marcher sur la route de Bellagio. Tout à coup, après un tournant, ils avaient vu, au milieu de la chaussée, un side-car jaune dont le moteur tournait encore. Le soldat allemand était tombé, sans doute tué par une rafale. Morandi s'était approché, l'avait saisi par les épaules : « Aide-moi, hurlait-il, aide-moi ! »
    Les deux enfants avaient traîné le mort jusqu'au bord de la route qui, à cet endroit, surplombe le lac. C'était la fin de la journée. Le vent ne s'était pas encore levé. Le soldat sentait le suint, le cuir, l'essence. Il était lourd comme une pierre.
    - Pousse-le, pousse-le ! criait Morandi.
    Le corps avait glissé puis roulé sur la berge et avait disparu sans même un remous. L'eau calme l'avait englouti.
    - Conduis, avait ordonné Morandi, conduis!
    Morandi s'était assis dans le side-car et le fils de Maria avait dû serrer la moto entre ses cuisses nues. Elle était encore chaude. Il avait fallu toucher ici et là des leviers, des manettes et, brusquement, elle s'était ébranlée cependant que Morandi hurlait qu'il fallait accélérer: «Plus vite, va plus vite ! »
    La moto vibrait, le moteur toussait.
    Quand l'homme, plus tard, s'était retrouvé pour la première fois aux commandes de la drague, quand son corps avait tremblé avec l'engin dont les chenilles patinaient sur le sol meuble de la berge, il s'était souvenu de cette moto, un dernier jour d'avril, alors que tous les volets de Bellagio étaient tirés et qu'au contraire les portes et les fenêtres de la Villa Bardi battaient, grandes ouvertes, après la fuite des Allemands et des ministres fascistes. Incapables de relancer le moteur, ils avaient laissé le side-car sur la place de Bellagio et étaient montés à la villa par les sentiers.
    - Plus personne, avait lancé Morandi dans un cri de joie, plus personne !, et il avait bousculé le fils de Maria.
    L'un et l'autre étaient saisis par le silence que venaient briser, à intervalles réguliers, les claquements secs des persiennes contre la façade.
    - Reste là, avait ordonné Morandi.
    Il avait gravi en courant l'escalier donnant sur la terrasse. Le fils de Maria avait attendu, percevant des bruits de pas, des voix et, tout à coup, ce hurlement aigu qui s'était enfoncé en lui. Le corps transpercé, il avait couru, traversé le parc, gravi l'escalier, enjambant les marches, et découvert sa mère étendue sur le parquet.
    Il lui semblait qu'il avait d'abord vu des fleurs roses au centre des carreaux de mosaïque, et seulement après sa mère, les vêtements déchirés, du sang sur la gorge.
    Morandi se

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