Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
rend. C'est bien à vous, non?»
    Carlo Morandi avait enfoncé ses ongles dans l'épaule du fils de Maria qui n'avait pas bougé, subissant encore.
    Les pêcheurs s'étaient avancés vers les deux enfants. L'un avait saisi Carlo Morandi par les cheveux, lui tournant le visage avec brutalité. C'était vrai qu'il avait la tête ronde, comme l'Autre. C'était bien la même graine, non? Qu'est-ce qu'elle en pensait, la comtesse?
    Mais Italina Bardi avait bondi, prenant contre elle son petit-fils. Maudits ceux qui osaient s'attaquer aux enfants! avait-elle hurlé. En enfer, ceux qui profanaient le souvenir des morts ! « Les morts et les enfants, on ne les touche pas, on prie pour eux, on les respecte ! »
    Les pêcheurs avaient ricané et dévalé l'escalier en s'esclaffant, en se bousculant, en lançant qu'ils la lui laissaient, sa tête, au fils de la putain, au bâtard de l'Autre! Un jour, on la lui ferait éclater à lui aussi!
    L'homme - l'enfant d'alors - avait emboîté le pas aux pêcheurs, criant des injures qu'il ne pensait même pas connaître, quand il avait entendu Carlo Morandi lui ordonner de ne pas bouger, de rester à la villa.
    « Traître ! » avait été le dernier mot que lui avait lancé Carlo.
    Sur la place de Bellagio, le fils de Maria s'était perdu dans la foule. On dansait, on servait du vin blanc, on entendait les chants et refrains des villages de l'autre rive. On racontait à tue-tête comment on avait pris Mussolini avec un casque d'Allemand enfoncé sur son crâne rond, comment Paola Morandi, la fille de la comtesse, avait voulu fuir en barque quand elle avait vu son amant découvert. On l'avait mitraillée. Elle avait hurlé comme une truie qu'on égorge; à la fin, elle s'était jetée à l'eau, jambes en l'air, montrant une dernière fois son cul avant que les poissons ne le lui bouffent et ne la fassent jouir à leur façon.
    - Et toi, bois aussi, gamin!
    L'homme se souvenait du premier verre de vin blanc qu'il avait bu ce jour-là où les têtes rondes étaient si pleines, si lourdes de sang qu'elles en devenaient noires, éclatant comme des outres crevées, des fruits blets.
    Et chacun regardait la photo du Duce et de sa maîtresse Claretta Petacci pendus par les pieds aux poutrelles d'un garage de Milan, Piazza Loretto.
    C'était le jour de la vengeance et l'homme n'en avait plus connu depuis lors, comme si, prudent, il n'avait pas osé en vivre d'autres, se contentant de son souvenir, persuadé au fond de lui-même qu'un jour comme celui-là, il en suffisait d'un dans la vie, qu'il l'avait vécu, que Dieu avait été juste avec lui et lui avait dispensé sa part.
    Ce jour-là, il était remonté en courant jusqu'à la Villa Bardi.
    Il se sentait libre. Le monde lui appartenait aussi. Il criait sur la route déserte : « Je suis le fils de Maria, je suis le fils d'Angela, Angela, Angela ! »
    Il était entré dans le parc et avait écarté les branches des lauriers. Il avait aperçu Carlo Morandi qui se tenait sur la première marche de l'escalier, tenant dans son poing la longue baïonnette allemande. La lame était noire.
    - Je t'attendais, salaud ! Je vais te tuer ! s'était écrié Carlo.
    Mais le fils de Maria avait continué d'avancer.
    Quand il repensait à ce jour-là, il revivait la scène comme s'il en ignorait la fin, comme s'il ne savait pas qu'en marchant ainsi vers l'escalier, il avait buté sur une pierre, avait ramassé ce bloc de calcaire crevassé, le soulevant à deux mains, puis, le lançant en direction de Carlo Morandi, avait remercié Dieu.
    La tête ronde de Morandi s'était couverte de sang. Il était tombé.
    Le fils d'Angela s'était alors enfui.

    13.
    TOUTE sa vie - il avait maintenant près de soixante ans -, l'homme avait fui. Il s'était caché dans le fond d'une barque, la tête entre les bras, essayant de ne pas entendre les cris et les chants, ces rumeurs de la fête qui se poursuivait et dont, avec la nuit, l'écho s'amplifiait, le vent s'étant levé.
    Il avait détaché la barque et, soulevant comme il pouvait les longues rames, il avait tenté de traverser le lac. Tout à coup, alors qu'il était déjà loin du rivage, le courant l'entraînant vers le sud, il avait été saisi de panique.
    Il avait vu le sang continuer de couler sur le visage de Morandi. Il avait entendu le cri que Morandi avait poussé, portant les mains à son front. Il avait été poursuivi par le hurlement et les malédictions de la comtesse Bardi qui descendait

Weitere Kostenlose Bücher