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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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tout de suite!
    Il l'avait laissée partir avec l'Africain et elle n'était revenue que quelques jours plus tard. Sa première fugue. Elle n'avait plus jamais parlé de l'incident. Ils avaient tous paru effacer cette scène de leur mémoire, mais il se souvenait, à présent.
    Coupable, il l'était, coupable! Quelle étroitesse d'esprit, n'est-ce pas? Quelle mesquinerie, quelle violence! Il l'avait tuée, lui.
    Qui n'est pas coupable, avait murmuré Joan tandis qu'il répétait : « Ne me laissez pas, je vous en supplie. »
    Elle s'était allongée, avait essayé de dormir, le corps moulu.
    Le téléphone avait sonné à plusieurs reprises sans qu'elle décroche. Peut-être était-ce encore Jean-Luc, ou bien... Au quatrième appel, elle avait répondu sans qu'aucune voix ne vînt combler le silence. Au matin, dans l'interphone, après qu'on eut sonné, cette absence de voix, à nouveau, cependant que Joan criait : « Mais qui est là? Qui est-ce? »
    Elle s'était précipitée sur la terrasse, se penchant pour voir dans la rue, et c'est quand elle était descendue qu'elle avait cru apercevoir cette silhouette d'homme en manteau de cuir noir qui paraissait la guetter depuis le coin de la rue Lagrange.
    Elle ne s'était calmée qu'une fois parvenue dans son bureau du Continental, lorsqu'elle s'était mise à écrire. C'était peut-être cela, son identité, sa seule patrie, le moyen qu'elle avait de vivre à la fois avec les autres et dans sa solitude.

Cinquième partie Parme, Palazzo Ducale
    28.
    Q UAND Roberto Cocci eut terminé de lire l'article de Joan Finchett, il ôta ses lunettes.
    Les dossiers empilés contre les cloisons du bureau, ceux ouverts sur la grande table au centre de la pièce devinrent des masses grises aux contours flous; les murs, des surfaces sombres; les fenêtres donnant sur le parc du Palazzo Ducale, des taches à peine plus claires au-delà desquelles s'étendaient et se mêlaient des bancs de brouillard.
    Cocci ferma les yeux et commença à se masser lentement, du bout des doigts, le front d'abord, puis les arcades sourcilières, enfin les paupières, appuyant de plus en plus fort chaque fois qu'il répétait son geste, faisant glisser ses doigts vers le menton, tirant sur sa peau comme s'il avait voulu se débarrasser d'un maquillage ou plutôt retirer quelque masque ou arracher une couche de vase collée à sa peau afin de recouvrer ses traits, de respirer.
    Parfois il s'interrompait, entrouvrant les yeux, mais, devant la confusion des formes, des lignes et des couleurs, il éprouvait une sensation de vertige et de nausée, comme si le Palazzo Ducale de Parme, tel une nacelle, s'était mis à osciller dans le brouillard.
    Cocci massait à nouveau ses yeux, ses joues, ses tempes, et il avait alors l'impression de s'effacer du monde, ses doigts gommant sa présence.
    Il cessait d'être le juge Roberto Cocci qui, au troisième étage du Palazzo Ducale, avait, en attendant l'arrivée du témoin Giorgio Balasso, rédacteur en chef d'Il Futuro, lu un article qu'un journal parisien, Continental, avait consacré aux Inconnues du système Morandi.
    Il était libre, léger, ses traits se détendaient, la fatigue des nuits précédentes, passées à confronter les documents saisis lors des perquisitions qu'il avait conduites aux sièges des sociétés du groupe Morandi, dans les immeubles du centre de Parme, se retirait peu à peu de son corps. A chaque fois qu'il appuyait sur ses paupières, ses yeux étaient inondés d'une lumière irisée. Ses pensées, ses idées, ses souvenirs en étaient illuminés. Il se sentait envahi d'un sentiment de confiance.
    Peut-être même souriait-il.
    Il se souvenait de la manière dont il avait rembarré cette journaliste, Joan Finchett, quand elle l'avait appelé, il y avait quelques semaines.
    Il était alors persuadé qu'elle agissait pour le compte de Morandi, dont elle avait été l'invitée Villa Bardi, qu'elle voulait lui tendre un piège, comme d'autres déjà, Balasso, Valdi, l'éditorialiste d' Il Futuro, Leiburg s'y étaient essayés. Il avait remarqué son accent américain et elle s'était emportée quand il lui avait demandé si elle était au service de la Mafia ou de la CIA - il eût pu ajouter : peut-être des deux. Il avait imaginé un complot, leur conversation téléphonique enregistrée, sa propre secrétaire achetée. Il avait convoqué cette dernière, l'interrogeant avec brutalité sur les conditions dans lesquelles elle lui avait passé

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