Le cri de l'oie blanche
patience et s’assura de ne
faire aucune faute. Elle ne voulait pas remettre une copie remplie de bavures.
Pendant toute la durée de l’examen, une surveillante passa à côté de chaque
candidate et Blanche remarqua qu’elle regardait discrètement les oreilles et
les ongles de très près. Elle sourit intérieurement. Elle relut chacune de ses
réponses, en fut satisfaite et regarda l’heure. Les candidates avaient une
heure à leur disposition. Elle s’étonna de voir qu’elle n’avait pris que
vingt-cinq minutes. Elle blêmit, non pas parce qu’elle avait terminé mais parce
qu’à regarder les autres filles encore affairées, elle se demandait s’il y
avait des pièges qui auraient échappé à son attention.
Elle relut le questionnaire d’un regard
qu’elle voulait neuf et ne vit rien d’affolant. Elle craignait maintenant
d’avoir été trop succincte dans ses réponses. Elle les révisa encore une fois
et se dit que, pour en écrire davantage, il lui aurait fallu inventer ou
tourner autour du sujet. Elle ferma sa plume et la déposa. La surveillante se
dirigea vers elle et lui demanda en chuchotant si elle avait terminé. Blanche
répondit par l’affirmative et tendit sa copie.
– Les résultats devraient être affichés
dans l’entrée à partir du 1 er juin.
Si vous êtes retenue, vous devr ez vous présenter le 5 pour une première rencontre.
Est-ce que cela vous convient ?
– Très bien. Rien d’autre ?
– Vos certificats et diplômes sont bien
ici ?
– Oui, ma sœur.
– Alors, il n’y a rien d’autre.
Blanche sortit du local sous le regard médusé
de plusieurs candidates. Certaines haussaient les épaules comme pour la
plaindre d’avoir échoué. D’autres la regardaient avec envie devant une apparente
facilité. Blanche hésita. Devait-elle les attendre pour discuter de l’examen ou
rentrer immédiatement à la maison ? Elle opta pour la seconde solution,
mais, avant de franchir la porte principale, elle rebroussa chemin, appela
l’ascenseur et monta aux étages. Elle arrêta au troisième et se promena dans le
département, essayant de regarder discrètement par les portes entrebâillées.
Elle sourit aux quelques rares patients qui marchaient dans les corridors,
s’informant de leur santé et souhaitant un bon retour à la maison à ceux qui
lui disaient être sur le point de quitter l’hôpital. Les infirmières la regardaient
sans poser de questions, la confondant probablement avec la fille d’une dame
patronnesse. Elle quitta l’étage par l’escalier et recommença le même manège au
deuxième puis au premier. Elle revint enfin au rez-de-chaussée à temps pour
revoir les autres candidates. Elle essaya d’entendre leurs commentaires. Dans
un coin, une fille plus jeune qu’elle était en larmes. Elle s’en approcha.
– J’ai pas réussi à l’Hôtel-Dieu pis je
pense qu’ici ça a pas été mieux.
Blanche elle-même aurait eu besoin d’être
encouragée mais elle lui dit maladroitement que c’était peut-être pour le
mieux.
– C’ est ce que mon fiancé dit.
– Tu as un fiancé ?
– Oui, mais je pensais être garde-malade
pour travailler avec lui. Il est interne au Montréal General.
– Un Anglais ?
– Non. Il vient de l’Ontario mais sa
famille est française.
Blanche avait détourné l’attention de la jeune
fille en la faisant parler davantage de son fiancé que de l’examen auquel elle
croyait avoir échoué.
– Il me semble que ça aurait été bien que
je sois son assistante.
Blanche ne savait plus tellement que dire à
cette fille inutilement désespérée, lui sembla-t-il. Ses vêtements indiquaient
qu’elle était financièrement à l’aise. Ils étaient bien coupés et, surtout, ne
portaient pas la griffe du « fait maison ».
La jeune fille sécha finalement ses dernières
larmes de déception et sourit presque à Blanche qui, d’une oreille absente,
entendait les commentaires des autres candidates. Certaines étaient découragées,
d’autres, enchantées.
– Bon. Moi, j’vas rentrer. Mon père
m’attend dehors en auto. Je voudrais pas qu’il perde patience.
Elle fit un petit sourire gêné en remerciant
Blanche de son attention. Blanche la remercia à son tour tout en se demandant
pour quelle raison elle le faisait. La jeune fille se dirigea vers la sortie et
Blanche l’interpella au moment où elle s’apprêtait à disparaître.
– Si tu veux travailler avec ton mari,
est-ce
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