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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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rester assise, faisant les
cent pas dans le couloir pour dissiper l’angoisse qui ne la lâchait plus depuis
qu’on lui avait dit que la date de l’examen d’admission avait été fixée au 8 mai. Le matin pluvieux s’annonça discrètement à
travers des nuages qui n’avaient cessé de cracher pendant une bonne partie de
la nuit. Elle se lava minutieusement, espérant ne laisser aucune trace de
cérumen dans ses oreilles. Elle était certaine qu’un des critères d’admission
était la propreté. Elle enfila une robe blanche, fétiche de ses espoirs. Avec
des pinces, elle fixa ses cheveux qui lui tombaient maintenant au-dessous de
l’épaule. Elle mit ses souliers blancs de l’année précédente après les avoir
vigoureusement frottés. Enfin prête, elle s’attabla et mangea du bout des
lèvres le petit déjeuner que Marie-Ange avait préparé. Elle ne parla p as, se contentant de sourire distraitement
aux propos de sa sœur. Elle mit enfin sa plume dans son sac à main et s’arrêta
sur le seuil de la porte pour saluer sa famille. Marie-Ange et Georges lui
souhaitèrent bonne chance, refrénant tous les deux l’envie de lui dire qu’elle
les avait tenus éveillés par sa promenade nocturne. Elle avait à peine commencé
à descendre l’escalier lorsqu’elle entendit la sonnerie du téléphone. Elle ne
s’arrêta pas, le téléphone ne sonnant jamais pour elle. Aussi fut-elle surprise
d’entendre sa sœur la rappeler et de la voir lui remettre le récepteur.
    – Allô ?
    – Blanche ? C’est moman.
    – Avez-vous le téléphone ?
    – Non. Je suis chez les voisins. Je
voulais juste te dire de donner tout ce que tu as. Je pense que c’est une
merveilleuse idée d’être garde-malade. Ça me rappelle que Napoléon, pendant
l’ouragan, m’avait dit que ça te venait bien naturellement. En tout cas… Est-ce
que tu m’entends ?
    – Oui, pas de problème.
    – En tout cas, ici, j’vas brasser le
Saint-Esprit.
    – Depuis quand est-ce que vous lui
parlez ?
    – Ça m’arrive. Mais je lui parle s eulement pour mes enfants. Pas pour moi.
Moi, ça le dérangerait trop. Je pense qu’il est pas assez habile pour défaire
toute une vie. Tu m’entends ?
    – Oui, moman. C’est même pas nécessaire
que vous criiez comme ça.
    – Ha… ! En tout cas, ma Blanche,
pense que je suis à côté de toi. Relis tes questions deux pis trois fois avant
de répondre.
    – Je sais.
    – Bon. J’vas raccrocher. À quatre heures,
cet après-midi, j’vas revenir ici. J’vas rappeler. Tu vas être là ?
    – Oui, moman. Promis.
    – Bonjour, là.
    – Bonjour. Merci de m’avoir appelée.
    – C’est rien.
    Blanche repartit plus rapidement. Elle
n’aurait pas voulu être en retard. Sa mère avait dit : « C’est
rien », mais elle savait que sa mère avait dû, pour lui téléphoner,
demander un service aux voisins – ce qu’elle détestait profondément –, se lever
tôt, s’habiller et frapper à leur porte en craignant de les réveiller. Blanche
marchait d’un pas alerte, le cœur léger. Elle avait la vie devant elle et
l’encouragement de sa mère derrière.
    Elle arriva à l’hôpital vingt minutes avant le
début de l’examen, se dirigea vers la table portant un carton sur lequel était
griffonné le mot « inscriptions ». Elle donna son nom et vit
l’infirmière le biffer sur une liste. Elle entra enfin dans une salle de cours,
aménagée pour l’examen, après s’être perdue dans les couloirs et avoir craint
de ne jamais se retrouver. Elle s’assit près d’une fenêtre, enleva le petit
chandail qu’elle s’était glissé sur les épaules, sortit sa plume et se croisa
les mains. Elle remarqua qu’elles étaient moites et les essuya discrètement sur
sa robe. Elle regarda les autres filles, toutes aussi nerveuses qu’elle, qui se
souriaient tout en s’examinant des pieds à la tête en se demandant si cette
demoiselle pouvait prendre une des places tant convoitées.
    On leur distribua enfin un questionnaire.
Blanche remercia la surveillante en le recevant et commença aussitôt à en
explorer le contenu. Elle fronça les sourcils. L’examen lui sembla tellement
facile qu’elle ne put croire qu’il y avait des jeunes filles assises dans la
salle qui seraient incapables de le compléter. Elle relut quatre fois chacune
des questions et répondit en s’appliquant pour que son écriture soit le plus
lisible possible. Elle traça chaque lettre avec

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