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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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jeta un regard furtif autour d’elle. Personne n’avait
bougé. Elle reporta son attention sur la petite fille. Elle se pencha de
nouveau pour chuchoter :
    – Comment est-ce que tu t’appelles ?
    – Louis a L’ Heureux.
Toi ?
    – Marie-Blanche Pronovost. Ici. Chez
nous, c’est Blanche.
    – C’est un drôle de nom, Blanche.
    – Pas plus drôle qu e L’ Heureux.
    Elle avait eu envie d’ajouter que jamais elle
n’avait vu d e L’ Heureux aussi triste. Louisa
lui remit son mouchoir. Blanche le prit du bout des doigts, un peu dégoûtée par
son contenu. Elle le posa sur « Jeanne » plutôt que de le remettre
sous son oreiller.
    – J’ai eu une sœur qui s’appelait Louisa.
Mais je l’ai jamais connue parce qu’elle est
morte avant que je naisse, chuchota-t-elle.
    – D’abord, tu as jamais eu de sœur qui
s’appelait Louisa.
    – Ben oui !
    – Ben non ! Ça peut pas avoir été ta
sœur si elle était morte avant que tu naisses, nounoune.
    Blanche fronça les sourcils. Si elle avait su
que Louisa commencerait à mélanger toutes les histoires que sa mère lui avait
racontées, elle ne lui aurait jamais prêté de mouchoir.
    – Tu pleures pas, toi ?
    – Pourquoi est-ce que je
pleurerais ?
    – Parce qu’ici c’est le pensionnat. On va
aller dans nos familles seulement à la Toussaint.
    Louisa recommença à sangloter. Blanche haussa
les épaules et lui remit le mouchoir détrempé.
    – La nuit prochaine, tu mettras un
mouchoir en dessous de ton oreiller. J’en ai juste cinq.
    – Garde-le, d’abord, ton maudit
mouchoir !
    Louisa lui lança le mouchoir qui atterrit sur
le bras de Blanche en faisant un « floc » répugnant. Blanche le
reposa sur « Jeanne » et décida de dormir. Elle n’aurait pas dû
essayer de consoler Louisa. Si elle était si bébé, si elle parlait aussi mal,
elle n’avait qu’à se débrouiller.
    – Blanche ?
    – Quoi encore ?
    – Pourquoi est-ce que tu es
pensionnaire ? Tu restes à Saint-Tite, non ?
    – Non. Au lac Éric.
    – Sur ta valise, c’est écrit que tu
restes à Saint-Tite. Pourquoi que tu es pensionnaire ?
    – Parce que… le lac Éric c’est trop loin.
Bonne nuit.
    Louisa haussa les épaules et tourna le dos à Blanche. Blanch e
    posa ses deux mains derrière sa nuque et resta
sur le dos à contempler le fond de ses
pensées.
    Ils n’étaient pas demeurés bien longtemps dans
la maison de la « tante » Aima. Ils avaient déménagé à toute vapeur
avant la fin du mois d’août. Le curé Grenier était souvent venu les visiter. Il
apportait toujours une surprise. Une fois, il avait apporté une boîte remplie
de vêtements. Une autre fois, il avait apporté des « bonnes nouvelles ».
La plus grande des nouvelles avait été que le curé avait trouvé une école au
lac Éric qui n’avait pas d’institutrice. Il avait demandé à sa mère si elle
voulait aller y enseigner. Sa mère avait décidé d’accepter, « pour un an  ». Ils avaient donc refait leurs valises et
avaient déménagé à l’école du haut du lac. Blanche, elle, n’aimait pas tellement
cette nouvelle maison. Ils habitaient à l’étage et n’avaient pas la permission
de jouer dans la classe.
    Blanche avait trouvé que leur maison-école
était terriblement vide sans Rose et Marie-Ange, mais ses sœurs venaient tous
les dimanches et elle les avait vues remettre des dollars à leur mère, qui les
prenait comme si elle avait été gênée. Mais sa mère avait toujours dit merci.
Rose et Marie-Ange habitaient « en pension » au village, parce que
leur mère n’avait voulu ni qu’elles voyagent du lac Éric ni qu’elles aillent au
Bourdais. Elle avait dit qu’il y avait trop de monde dans la maison, surtout
maintenant que Clément y demeurait. Émilien, lui, avait annoncé à sa mère qu’il
quitterait l’école pour l’aider. Sa mère l’avait disputé et lui avait dit que
le jour n’était pas encore venu où elle aurait besoin des bras d’un homme de
douze ans pour se débrouiller. Paul avait un peu pleuré quand il avait su qu’il
n’irait pas au collège, mais comme, à ce
moment-là, il souffrait d’une terrible grippe, sa mère lui avait fait
comprendre qu’il était mieux avec elle. Mais elle lui avait promis que si sa
santé ne faisait plus de folies, il irait au collège l’année suivante. La seule
consolation qu’il avait eue, c’était que sa mère lui avait dit qu’elle le
ferait travailler deux

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