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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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hâta de langer
Rolande et de lui chauffer un biberon. Elle la confia ensuite à Alice et
descendit pour rejoindre les enfants, qui n’avaient même pas eu le temps de
remarquer qu’elle les avait laissés seuls.
    La nouvelle routine prit rapidement sa place.
Émilie travaillait jour et nuit, ou presque, mais Émilien la soulageait des
corvées les plus pénibles. À l’aube, elle préparait le petit déjeuner de même
que tout ce qu’il fallait pour le dîner. Le midi, elle chauffait le repas à la
hâte, servait les enfants et, dès leur dernière bouchée avalée, elle avait déjà
commencé à préparer le repas du soir. Aussitôt que les élèves quittaient
l’école, elle obligeait Paul et Jeanne à rester en classe pour faire leurs
devoirs, y jetait un coup d’œil pour s’assurer que tout était bien fait,
remontait à l’étage ou sortait pour s’amuser avec Alice et Rolande. Dès que
Paul et Jeanne avaient terminé, ils montaient tous pour le souper. Chacun avait
sa tâche. Paul mettait le couvert, Jeanne faisait le service, Alice enlevait le
couvert et rinçait les assiettes pendant qu’Émilie couchait Rolande. Émilien,
lui, réparait tout ce qui s’était abîmé pendant la journée : une penture,
une vitre, une patte de pupitre ou de chaise. S’il lui restait encore du temps,
il bûchait du bois en vue de l’hiver, après quoi il tenait compagnie à sa mère
qui corrigeait les travaux pendant que lui faisait les siens. Émilie
l’observait du coin de l’œil. Non, Émilien ne lui donnait pas l’impression
d’être fasciné par son travail scolaire. Parfois, sentant qu’elle le regardait,
il levait les yeux et lui faisait un sourire qu’elle ne savait jamais comment
interpréter. Voulait-il insinuer qu’il s’appliquait pour elle ou essayait-il de
lui dire que, malgré tout, ils se débrouillaient bien ?
    Émilie regarda l’heure, immédiatement après
avoir jeté un coup d’œil sur son calendrier. Les enfants dormaient tous, même
Émilien. Elle soupira, referma le dernier cahier qu’elle venait de corriger, se
demanda si c’était elle ou si c’étaient les enfants qui avaient changé. Durant
ses premières années d’enseignement, il lui avait semblé que les enfants
faisaient moins d’erreurs.
    Elle se leva, s’étira, se frotta la nuque,
bâilla et se dirigea vers un coin de la cuisine. Elle prit une boîte et la
souleva péniblement. Elle revint vers la table et l’y déposa. Avant de
l’ouvrir, elle fit le tour de chacun des lits pour vérifier le sommeil des enfants.
Rolande respirait régulièrement. Paul, par contre, faisait un peu de fièvre. Depuis
deux jours, il traînait cette petite fièvre fatigante qui, au grand désespoir
d’Émilie, ne l’empêchait pas de se présenter en classe.
    Elle revint vers la table de la cuisine et
ouvrit la boîte pour en sortir du tissu, du fil et des aiguilles. Il ne lui
restait qu’une semaine avant le congé de la Toussaint et elle voulait fêter ses
« enfants d’automne ». Pour Marie-Ange, elle avait fait un chemisier
à manches longues et dentelles. Pour Émilien, elle avait taillé un coupe-vent
dans une des couvertures de la Belgo. Paul aurait lui aussi un manteau neuf
parce qu’il refusait de porter l’ancien de Clément. Paul acceptait très mal
d’être maintenant plus court et plus frêle que son jeune frère. Alice, elle,
aurait une robe neuve, ce qui était rare. Elle portait toujours les anciennes
robes de Jeanne. Ce soir, Émilie devait terminer les boutonnières du coupe-vent
d’Émilien et la broderie en nid-d’abeilles sur la robe d’Alice.
    Elle regarda l’heure encore une fois et hocha
la tête. Depuis qu’elle avait commencé ses classes, elle n’avait pas vu passer
le temps. Il était toujours coincé entre un chaudron, un livre, une craie, un
lange, un bout de fil, une course à faire. Il était toujours suspendu entre
deux soleils qui s’éloignaient de plus en plus pour céder la place à l’ombre de
l’hiver.
    Elle coupa son fil avec ses dents, soupira
encore une fois et rangea le tout. Demain, elle aurait de la difficulté à
ressaisir sa patience. Il était trop tard. Mais elle avait tellement hâte au
congé de la Toussaint. Non pas tant parce que ses élèves quitteraient l’école
pour quelques jours mais parce que Rose, Marie-Ange, Blanche et Clément
seraient à la maison. Tous là. Tous avec elle à lui assurer, sans le savoir,
qu’elle avait plein de raisons de vivre.

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