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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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eu d’allure quotidienne. Elle savait, pour en avoir vu des centaines,
que ce qui tuait les survivants était la culpabilité. Elle était contente que
M. Qui ait allégé le fardeau de sa fille.
    M. Qui ne se leva plus, ne mangea plus,
et, après deux jours de ce régime, ne respira plus. Blanche lui couvrit le
visage et demanda à Pierre Beaudry de venir constater le décès. Pierre arriva
le plus rapidement possible et fut visiblement content de revoir Blanche.
Jacynthe et Charles l’accueillirent avec autant d’empressement que le permettait
leur deuil.
    – Je vous remercie, garde. Je pense que
vous avez aidé mon père à mourir. Je ne veux pas dire par là que vous avez
précipité sa mort…
    – Je sais. Quand on est payé à l’heure…
    Jacynthe éclata de rire.
    – Mon père m’a donné un cadeau de Noël
fort symbolique, vous savez. De toute façon, à sa mort, c’est moi qui aurais eu
l’argent. C’était peut-être la seule manière qu’il a jamais connue de me gâter. Il l’a fait une dernière fois.
Mais sans cette fois-là, je pense que j’aurais jamais pu garder un bon
souvenir.
    Jacynthe rêva en souriant pendant quelques
instants. Elle sortit ensuite un chèque de sa poche et le remit à Blanche.
    – Le compte y est, j’espère.
    Blanche fronça les sourcils en regardant le
montant. Il était deux fois trop élevé.
    – Non. Le compte y est pas. Selon mes
calculs, vous me devez beaucoup moins.
    – On voit qu’on ne vous enseigne pas à
compter dans un hôpital.
    Blanche, émue, tendit à son tour le chèque que
son patient lui avait remis le jour de Noël. Jacynthe sursauta.
    – C’est bien ce que je pensais. Remarquez
que je pourrais vous dire que vous l’avez manipulé…
    – Moi ? faire une chose comme
ça… ?
    – J’ai dit : « je pourrais
dire ». Mais je ne le pense même pas. C’est sa façon à lui, la seule qu’il
ait jamais connue , de dire merci. Gardez-le.
    – Non. Là, vous me connaissez mal.
    – Gardez-le, je vous dis.
    – Non.
    Devant l’air ahuri de Jacynthe, de Pierre et
de Charles, Blanche déchira le chèque qu’elle jeta ensuite dans les flammes de
foyer.
    Pierre lui tenait le bras pour l’empêcher de
glisser sur la glace que le frottement de la neige rendait encore plus vive.
    – Pourquoi est-ce que tu as fait ça,
Blanche ? M.  Pariz eau aurait été
déçu.
    – M.  Pariz eau ?
C’était son nom ?
    – Dis-moi pas que tu le savais pas !
    – Non.
    Blanche souriait en se mordant la lèvre
inférieure.
    – Est-ce que c’était un homme
connu ?
    – Connu ? Là, c’est toi qui veux
rire. Homme de culture, homme d’affaires à la tête d’un empire, mécène,
philanthrope. Connu ? Franchement, Blanche, ça m’étonne que toi-même tu
n’en aies jamais entendu parler. Il était célèbre dans tous les milieux. Du
dernier sportif à l’archevêque en passant par les communautés religieuses…
    – C’est drôle, il a jamais demandé de
prêtre…
    – Ça doit être parce qu’il avait été
administré par l’aumônier de l’hôpital…
    – Mais quand même… Pas une fois, je te
jure.
    – D’abord, ça doit être parce que le ciel
lui avait déjà envoyé un ange.
    La remarque de Pierre fit affluer le sang au
nez de Blanche, que le froid avait commencé à pâlir.
    – J’aime donc pas ça, des remarques de
même. J’ai juste essayé de rendre sa mort moins triste. Je pense qu’il est mort
heureux. C’était un monsieur gentil qui aimait rire.
    – Tu l’as fait rire ?
    – Oui. Pourquoi ?
    – Parce que la rumeur veut que personne
l’ait jamais entendu rire.

4 2
     
    Blanche regardait cette nuit sans fin
assaillir sa fenêtre. Elle détestait les matins de pluie qui empêchaient le
jour de vaincre. Elle avait décidé de prendre trois semaines de vacances pour
se reposer d’une année de travail acharné. Elle ne trouva le repos qu’à son
retour. Sa mère l’avait forcée à ouvrir les bras pour s’y réfugier quelques
secondes et ensuite les lui remplir de boîtes. Blanche avait occupé ses
vacances à défaire des boîtes, installer des rideaux de plus en plus défraîchis,
hochant sans cesse la tête devant l’entêtement de sa mère à poursuivre son
enseignement. Depuis son départ précipité de Saint-Tite, pour lequel Blanche
n’avait eu aucune autre explication que le fait que sa mère avait préféré
enseigner à toute une classe plutôt qu’à quelques

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