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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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fatigant.
    – On va essayer. Si c’est trop fatigant,
j’vas faire le lit avec vous dedans. Vous allez voir, ça va bien aller. Faudra
pas que vous chicaniez trop fort parce que j’vas faire comme une débutante. Si vous
vous êtes déjà couché dans un hamac pendant qu’il ventait, vous comprenez ce
que je veux dire.
    Le vieillard essaya de rire mais s’étouffa.
Blanche mit une heure à faire tout ce qu’elle avait promis, réussissant même,
une fois son patient lavé et rasé de près, à l’asseoir dans son fauteuil.
    – Vous auriez pu me dire que vous mesurez
au moins six pieds. Il a fallu que je me grimpe sur la pointe des pieds pour
vous tenir l’épaule.
    Le vieillard émit un petit rire étouffé.
    – Je pense que j’vas commander un fauteuil
roulant. On pourrait sortir de la chambre. Ça doit être ennuyant de toujours
regarder les mêmes murs. C’est dommage que ce soit l’hiver. J’aurais pu vous
promener dehors.
    – Je veux pas sortir.
    – Eh ben ! eh ben ! On
boude ? Comptez-vous chanceux qu’on soit en hiver, parce que aussitôt que
j’aurais vu que vous étiez de mauvaise humeur, je vous aurais sorti par la
porte d’en avant. Pis on aurait descendu l’escalier !
    Son patient éclata de nouveau de ce rire
éteint mais rempli de joie.
    Blanche changeait le lit après avoir pris
trois draps dans la lingerie, le dernier, replié, servant d’alaise. Elle vit
son patient fermer rapidement les yeux et abandonner sa tête sur son épaule.
Elle allait se diriger vers lui quand elle entendit Jacynthe.
    – Qu’est-ce que vous faites ? Mon
père est mourant et vous le faites asseoir ? Essayez-vous de
l’achever ?
    – Oh ! non, madame. Quand on est
payé à l’heure, c’est la dernière chose qu’on veut.
    Elle jeta un coup d’œil discret en direction
du fauteuil et retint son fou rire en voyant les épaules du vieillard se
soulever sous les efforts qu’il faisait pour demeurer impassible et ne pas
rire. Jacynthe soupira fortement et Blanche feignit de ne pas l’avoir entendue.
Jacynthe se dirigea vers son père et lui prit la main.
    – Bonjour, papa. C’est Jacynthe. Est-ce
que vous me reconnaissez ?
    Le père ne broncha pas et Blanche vaqua à ses
occupations, simulant un désintéressement total pour la scène qui se jouait
devant elle.
    – Dans une semaine, c’est Noël, papa.
Pour Charles, j’ai acheté un sac de golf. Saviez-vous ça que Charles
s’intéresse au golf ? On peut pas dire qu’on trouve bien des places pour
jouer mais il se promet d’aller en Écosse essayer leurs terrains. Je me suis
aussi fait faire une robe pour la réception qu’on donne. Noire , en velours. Je vais mettre l’épingle de
maman. Celle en diamants avec des perle s.
C’est vous qui la lui aviez donnée pour votre trentième anniversaire. Bon, je
vais revenir plus tard. Après le souper. Dormez bien.
    Jacynthe sortit en faisant un petit signe de
tête à Blanche. Dès que ses pas se furent éloignés, le vieillard ouvrit les
yeux et émit son rire auquel Blanche s’habituait. De la main, il lui fit signe
d’approcher.
    – C’est la première fois qu’elle parle
aussi longtemps.
    Il éclata de nouveau de rire et Blanche vit
qu’il s’affaiblissait. Elle l’aida à se soulever et le recoucha. Il soupira à
la fois d’épuisement et de bien-être.
    – Je pense que ça fait des années que je
me suis pas autant amusé.
    – Tant mieux. Demain, si vous êtes en
forme, on pourrait jouer une partie de cartes.
    Il la regarda, incrédule. Cette garde-malade
ne savait certainement pas qu’il était aussi malade.
    – Comment est-ce que vous vous
appelez ?
    – Blanche. Vous ?
    – Achille.
    – Vous voulez quand même pas que je vous
appelle Achille ?
    Il éclata de rire de nouveau. Blanche avait
simplement voulu connaître son nom de famille.
    – Je sais que c’est laid mais c’est le
seul nom que j’ai.
    – Je sais le nom de votre fille, mais
vous, vous êtes monsieur qui ? J’ai pas de dossier ici comme dans un
hôpital.
    – J’aime ça.
    – Quoi ?
    – Monsieu r Qui .
Appelez-moi monsieu r Qui .
    Il s’endormit en souriant.
    À voir l’énervement s’emparer de Jacynthe et
de Charles, son mari, Blanche sut que la grande fête était pour le lendemain.
Jacynthe la prit à part – Blanche lui avait au moins imposé cette délicatesse –
pour lui demander si son père vivrait toute la journée de Noël.
    – Certainement, madame.

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