Le cri de l'oie blanche
Germaine, impatientée, lui demanda de le calmer. Germaine sourit
et affirma que le bébé avait des petites coliques tout à fait normales.
– Je suis presque garde-malade,
belle-maman, et je sais ce qui ne va pas. Demandez-le à Blanche. C’est les
coliques qui le font crier comme ça, n’est-ce pas, Blanche ?
Blanche se raidit. Les pleurs de coliques
étaient intermittents. Ceux-ci ne cessaient jamais.
– Je voudrais le changer de couche,
Germaine. Peut-être qu’il est mouillé.
Germaine passa un doigt sous le lange, le
renifla et poussa un petit gloussement. Elle tendit le bébé à Blanche.
– Fais-le si ça t’amuse.
Blanche se dirigea vers la table à langer et
déshabilla le bébé.
– Vous pourriez m’apporter de la
vaseline ?
– De la vaseline ! Voyons donc,
Blanche ! Ici on prend une huile parfumée ! De la vaseline ! Non
mais tu me prends pour qui ?
– Pour rien, Germaine.
Blanche était assez satisfaite de sa réponse.
– Mais ton bébé fait une violente
dermatite. Cesse le parfum. Mets de la vaseline et fais-lui tremper les fesses deux fois par jour. C’est pour ça qu’il
pleure. Ça doit lui faire très mal.
Germaine perdit son sourire et jeta un coup
d’œil furtif en direction de sa belle-mère.
– Je comprends pas ça. Ce matin, quand je
lui ai donné son bain…
– D’après moi, Germaine, ce bébé-là a pas
eu de bain ce matin. Pas plus qu’hier.
Germaine blêmit. Sa belle-mère s’agitait et
Blanche ne cessait de la contredire.
– De toute façon, c’est pas pour ça que
je t’ai fait venir. Le plancher est sale et c’est rempli de microbes. Je
voudrais pas que mon bébé soit malade. On va te montrer où sont la chaudière et
la vadrouille.
Blanche déposa le bébé dans son lit sans lui
avoir mis de lange.
– Il va tout arroser. C’est un garçon,
Blanche.
– C’est mieux qu’il arrose des draps que
de porter une couche.
La belle-mère de Germaine sortit de la
chambre. Blanche demeura à côté du moïse, essayant de calmer le bébé en lui
mettant sa main chaude dans le dos . La
belle-mère revint avec un pot de vaseline qu’elle tendit à Blanche. Blanche
l’accepta et en enduisit les fesses , le bas du dos et le ventre du bébé.
– Mets de la poudre ! Il va sentir
l’eau de Javel !
– Germaine, tu sais, parce que tu es
presque une garde-malade, que quand un bébé a les fesses irritées, il faut pas mettre de poudre. C’est trop parfumé. Comme tu sais,
parce que tu es presque une garde-malade, que l’eau de Javel c’est pas
conseillé pour les couches. Seulement dans des gros cas de diarrhée.
Germaine voulut répliquer mais elle se tut. Sa
belle-mère s’était assise près du berceau en souriant.
– François-Xavier a cessé de pleurer.
Merci, mademoiselle.
C’en fut trop pour Germaine.
– J’ai pas besoin qu’une fille comme toi
vienne me dire comment m’occuper de mon bébé ! Je veux que tu laves le
plancher. Je veux que tu repasses mes déshabillés. C’est ça, ton travail de
garde-malade !
Elle avait tellement crié que François-Xavier,
éveillé en sursaut, s’était remis à hurler. Blanche le prit dans ses bras pour
ensuite le déposer sur les genoux de sa grand-mère, dont la pâleur rendait fade
le maquillage.
Blanche prit sa cape, regarda Germaine de ses
yeux bleus qui ne taisaient pas son dégoût et sortit de la chambre.
Elle descendit l’escalier et allait ouvrir la
porte extérieure quand la belle-mère de Germaine, François-Xavier dans les
bras, l’interpella.
– Vous refusez de vous occuper de
Germaine ?
– Oui, madame. Germaine a pas besoin
qu’on s’occupe d’elle.
– Vous pourriez au moins nettoyer la
chambre de mon petit-fils.
Blanche aurait voulu rétorquer que jamais elle
ne soulèverait ses jupes d’uniforme pour se mettre à quatre pattes et laver un
plancher. Elle aurait voulu crier à la belle-mère de profiter des heures
d’accalmie que lui offrait François-Xavier. Elle en aurait pour des mois à
l’entendre hurler si Germaine ne réagissait pas. Elle s’attrista du sort du
pauvre bébé.
– Ma belle-fille m’avait dit qu’elle ne
vous avait pas vue depuis des années. Elle espérait que vous aviez changé parce
qu’elle m’a dit que vous étiez extrêmement prétentieuse quand vous étiez étudiante.
Elle m’a aussi dit que vous n’auriez probablement aucune reconnaissance malgré
le fait que c’est grâce à elle et au
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