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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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le demande pas, Blanche. Mais
si je frappais à ta porte, habillé en laïc, est-ce que tu ouvrirais ?
    – Pour parler à un ami, oui.
Napoléon ?
    – Oui.
    – Depuis la mort de Marie-Louise, j’ai
jamais eu d’amis. C’ est ce soir que je me
rends compte que ça fait partie de mon vide.
    Napoléon soupira, lança sa cigarette d’une
chiquenaude et sanglota presque en répondant :
    – On a fait le même choix, Blanche.
Guérir le mal et la souffrance. Moi en noir, toi en blanc. Ces deux
couleurs-là, Blanche, quand on les mélange, ça donne du gris. Tous les
souvenirs que j’ai de toi sont jaune soleil. J’ai pas envie de permettre à la
grisaille des nuages de s’installer dans mon ciel.
    – Ça veut dire qu’on se reverra
pas ? Même pas pour un souper ou pour faire une promenade ?
    – Non, Blanche.
    – Pourquoi d’abord est-ce que tu voulais
me rencontrer ?
    – Pour te réanimer. Pour raviver la
flamme de ma vocation. Pour être capable, une dernière fois, de te dire que je
t’aime. Quand je t’ai connue , j’avais mis trop
de clôtures à ce que je croyais être l’amour. Maintenant je sais que c’ est ce qui t’a fait fuir. Je te voulais. J’avais pas
encore compris qu’il aurait été préférable que je te propose de grandir avec
toi. Pardonne-moi, Blanche.
    – J’ai rien à pardonner, Napoléon.
    – Oui, Blanche. J’ai l’impression que je
t’ai fait te diriger vers une vie qui ne ressemblait peut-être pas entièrement
à celle que tu aurais voulue. C’est pour ça que ton bonheur ressemble encore
aux rochers du lac.
    – Non, Napoléon. C’est tête baissée que
j’ai foncé. Mais j’avais les yeux grands ouverts.
    Napoléon se leva, prit Blanche par le menton.
Elle sentit tous ses muscles vibrer comme ils le faisaient quand elle était
plus jeune et moins souffrante. Il l’enserra presque brutalement et elle
s’abandonna sur son épaule, qu’elle avait sans cesse formée et déformée dans
ses rêves. Il l’embrassa d’un baiser qui goûtait le souvenir puis la repoussa. Ils
se regardèrent et Napoléon sourit une dernière fois.
    – Ce qu’il y a de merveilleux dans notre
religion, c’est qu’on peut se confesser.
    Il tourna les talons et Blanche le suivit du
regard jusqu’à ce que sa silhouette se confonde avec celle des arbres.
     

4 4
     
    Blanche décida de demeurer avec sa mère
pendant un mois. Rolande en était tout heureuse, trouvant presque ennuyant
d’être seule avec une mère si vieille, que le tennis n’intéressait pas, ni les
sauteries, ni les baignades. Sa mère proposait des pique-niques sur la plage et
Rolande passait des heures à attendre qu’elle se décide à partir. Sa mère
regardait l’eau, sans broncher, comme un prédateur, prête à tourner la tête si
un patineur se laissait glisser sur le lac.
    – Je vous ai déjà dit ça, les filles, que
j’ai jamais vraiment aimé rester loin de l’eau ?
    – Cent fois au moins, moman.
    Blanche avait lancé un regard d’acier à sa
sœur devant son impatience.
    – Vous nous avez dit ça, moman, mais vous
avez jamais expliqué pourquoi.
    – Ah ! Blanche. Ça remonte à mon
enfance. On habitait près de la Batiscan. Chaque fois que je pouvais, j’allais
m’asseoir sur un tronc d’arbre avec Berthe. La meilleure amie que j’aie jamais
eue. Pour moi, l’eau, ça chante les secrets de toute la terre sans que personne
comprenne sa langue. C’est un langage que j’essaie de connaître depuis aussi
loin que je me rappelle.
    Blanche avait toujours su que sa mère était
friande de la nature. Mais sa friandise suprême était l’eau. Elle-même commença
à essayer de regarder différemment ces petites vagues qui venaient mourir dans
le sable pour ressusciter aussitôt. Elle accompagna donc sa mère tous les jours
pour faire une promenade sur la minuscule plage de sable. Un jour, elle lui
proposa de rompre la routine et l’emmena sur son rocher. Sa mère la suivit en
peinant mais, rendue au sommet, elle poussa un cri de joie.
    – On voit tout le lac. Toutes les petites
anses. Ça a l’air d’une croûte de tarte bleue qu’on vient d’aplatir d’un bon
coup de rouleau.
    Blanche éclata de rire. La poésie domestique de
sa mère venait presque de rompre le charme des lieux.
    – Comment ça se fait que je suis jamais
venue ici ?
    Émilie regarda sa fille, l’air à la fois
soupçonneux et taquin.
    – J’imagine que toi, tu venais avec
Napoléon.

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