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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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passagers à sortir leurs billets. Blanche se mit en ligne après s’être
assurée que le porteur ne ferait pas l’erreur de charger son matériel sur un
autre train. Elle s’assit près d’une fenêtre, comme elle le faisait toujours,
et attendit que le train s’ébranle avant d’accepter de reconnaître le nœud de
sa gorge. Elle sortit son mouchoir et feignit d’éternuer pour s’en servir. Elle
regarda Montréal, d’abord envahissant puis de plus en plus discret au point de
se confondre avec la ligne d’horizon bombée par le mont Royal. Elle changea de
place et s’assit sur la banquette qui se trouvait face à la sienne pour voir
apparaître la campagne mais surtout la Mauricie. Elle avait fait ce trajet
plusieurs fois mais jamais elle n’avait pensé à en mémoriser tous les décors
comme elle le faisait en ce moment.
    Elle s’occupa à lire un dictionnaire médical
que Pierre lui avait remis. Elle s’assoupit, bercée par le chant des traverses,
pour ne s’éveiller qu’après Louiseville, tout étonnée d’avoir parcouru autant
de route. Elle essaya de manger le repas que M me  Desautels lui
avait préparé et grimaça en mordant dans son sandwich. Comme d’habitude, M me  Desautels
avait mis trop de moutarde.
    Il faisait nuit lorsqu’elle aperçut la
sentinelle lumineuse de la gare de Saint-Tite. Elle se pencha à la fenêtre et
profita d’un arrêt de quelques minutes pour se dégourdir les jambes mais
surtout pour sentir l’air de ce village qu’elle avait tant de fois respiré.
Elle n’eut pas envie d’ouvrir ses poumons trop grands et remonta s’asseoir pour
attendre patiemment que le train recommence à se traîner dans la nuit. Elle vit
Sainte-Thècle et ne leva plus les yeux jusqu’à Hervey-Jonction. Ce n’est que là
qu’elle pourrait se coucher, dès que les cheminots auraient séparé le train en
deux. La première partie irait à Chicoutimi. C’ est ce train que Marie-Louise avait pris. La seconde la conduirait jusqu’ à La Sarre avant de franchir la frontière de
l’Ontario. L’arrêt prévu était d’une heure. Blanche décida de sortir, détestant
les gémissements de ferraille et les soubresauts du train que l’on divisait.
Elle marcha au grand air, surprise de voir qu’il y avait encore à
Hervey-Jonction quelques flaques de neige que mars avait omis d’emporter. Elle
entendit claquer ses talons à travers les cris des cheminots qui s’affairaient
à fixer une locomotive à sa moitié de train. Des pas s’approchèrent d’elle.
Elle eut son réflexe de Montréalaise, regardant discrètement de côté avant de
décider si elle devait accélérer ou non.
    – Moman !
    – Penses-tu que je pouvais rester dans la
maison pis entendre ton train crier dans la nuit sans venir te voir ?
    Blanche vit l’émotion sur le visage de sa mère
et s’empressa de l’inviter à monter à bord.
    – Non, merci. J’aimerais mieux qu’on
s’assoie dans la gare. Les bancs sont peut-être moins confortables mais au
moins je sais que j’vas pas faire de boutons. Je suis rendue allergique aux
trains.
    – Comment ça ?
    – Un jour, je t’expliquerai ça. Pas
aujourd’hui.
    Elles pénétrèrent toutes les deux dans la gare
vide.
    – Savais-tu que c’est ton oncle Oscar qui
est le chef de gare ici ?
    – Non.
    – Il doit dormir. Le soir, c’est pas lui
qui s’occupe des trains. Ton train est le seul qui arrête. À cause du
changement des voies. Les autres qui vont passer sont des trains de pitounes. Ceux-là crient fort mais passent tout droit. Ils me font penser à des
chiens qui jappent sans arrêt mais qui mordent jamais. Le voisin en a un comme
ça. Si je m’écoutais, je lui couperais les cordes vocales.
    Émilie se tut et resta droite sur son banc,
sans regarder sa fille. Elle ouvrit un grand sac qu’elle traînait.
    – Penses-tu voir tes frères pis tes
sœurs ?
    – Paul pis Émilien savent que j’arrive.
    – Tant mieux. Peux-tu apporter ça ?
    Émilie lui remit un assortiment de mitaines,
de foulards et de chaussettes.
    – C’est froid là-bas.
    – L’hiver est fini.
    – C’est à voir. En Abitibi, on prend les
jours un par un. Faut jamais jurer du lendemain.
Le climat est capricieux. C’est parce qu’il y a pas de montagnes. Si le vent
décide de passer, il passe. Si la chaleur veut écraser, elle écrase. Pis si les
moustiques décident de piquer, ils piquent. C’est ça, l’Abitibi.
    Blanche savait que sa mère

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