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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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et de sa proposition. Elle s’empressa d’enfiler
son manteau et d’aller voir des patients qui avaient davantage besoin
d’encouragements que de soins.
     
    ***
     
    Le mois d’octobre avait filé rapidement. La
lettre ne venait pas. Trois fois, Blanche avait rempli sa plume et s’était
installée à son bureau pour écrire sa réponse. Trois fois, elle était restée la
main en l’air pendant tellement de temps que l’encre avait séché, l’obligeant à
secouer violemment son poignet pour réhumidifier la pointe. Trois fois, elle
avait jeté la lettre au panier. Depuis la visite de Clovis, elle n’avait pas
posté de lettre. Elle avait tellement travaillé qu’elle n’avait pas eu le temps
d’enrober convenablement les mots de sa réponse. Chacune des lettres lui avait
semblé froide. Elle y lisait autant de distance qu’entre Villebois et Montréal.
Elle ne savait comment dire ce qu’elle avait à dire. Comment parler de son
enfance après avoir négligé de le faire chaque fois qu’elle l’avait
rencontré ? Comment parler de ses parents ? Certaine qu’il prendrait
ses jambes à son cou, elle se résigna enfin, à la mi-novembre, à lui écrire
qu’elle préférait rester à Villebois et continuer la vie qu’elle y menait.
Moins de deux semaines plus tard, elle reçut deux lettres la même journée. Elle
ouvrit la première, dans laquelle Clovis se languissait d’avoir de ses
nouvelles, lui réitérant sa proposition, la détaillant, la rendant aussi
alléchante qu’il pouvait. Dans la seconde lettre, il disait avoir reçu la
sienne et ne savait comment exprimer sa déception. Blanche la relut au moins
vingt fois, jusqu’à ce qu’elle puisse se la répéter par cœur, l’âme en sang, la
révolte dans le corps.
    Clovis ne vint plus à Villebois, ses collègues
le remplaçant pour ces déplacements. Blanche les accueillit avec gêne, sachant
qu’ils devaient être au courant de sa rupture. Elle prenait toujours des nouvelles
de Clovis et écoutait attentivement les réponses. Elle se demandait s’ils
pouvaient voir à quel point elle regrettait d’avoir été forcée de prendre sa
décision et à quel point ce bouffon aux r de fanfare lui manquait. Elle découvrit au fil des
conversations que Clovis avait été terriblement malade, ayant fait, à l’âge de
dix-neuf ans, une hémorragie cérébrale qui l’avait d’abord rendu aveugle. Par
la suite, il avait partiellement recouvré la vue, mais, pendant quinze ans, il
avait souffert de maux de tête tels qu’il n’avait pu tenir d’emploi régulier.
Son travail aux chemins de fer était son premier et il le devait à une de ses
sœurs. Il avait tout fait, avait-elle appris, pour se soigner de ce mal
envahissant, allant jusqu’à la clinique Mayo de Rochester, au Minnesota.
    – Mais tu connais Clovis, Blanche. Il
s’est rendu jusqu’à la porte de la clinique, pis rendu là, il a pensé à tout
l’argent que sa sœur aurait à dépenser pour le faire soigner. Ça fait qu’il est
retourné à la gare et est rentré à Winnipeg.
    – Sans voir de médecins ?
    – C’est ça. Il avait des bonnes chances de
pouvoir se faire opérer les yeux pour mieux voir. Pis il avait des bonnes
chances qu’ils trouvent le moyen de faire passer ses maux de tête. Mais il est
pas allé. Nous autres, on le taquine en lui disant que c’est parce qu’il avait
peur. Mais on pense que c’est parce qu’il voulait pas dépenser l’argent que sa
sœur avait mis de côté pour lui. Il nous le dira jamais.
    Blanche avait souri intérieurement. Ainsi, lui
aussi avait ses petites cachotteries. Ce soir-là, pendant que les amis de
Clovis dormaient, Blanche lui écrivit pour lui dire qu’elle acceptait sa
demande en mariage. Puis, craignant qu’il ne pense qu’elle avait pitié de lui,
elle brûla la lettre.
    Le mois de décembre arriva sans crier gare.
Elle n’avait pas remis Ti-Zoune à la Cache, la neige n’étant pas encore assez
épaisse pour qu’elle puisse atteler son traîneau. Chaque soir, elle recouvrait
son cheval de trois couvertures pour être certaine qu’il ne prendrait pas
froid. Elle avait aussi entouré sa stalle de foin pour qu’il puisse se tenir au
chaud plus facilement. Elle voyait arriver les fêtes avec aversion, le cœur
toujours comprimé d’ennui dans sa poitrine. Elle se décida à expédier une carte
de vœux à Clovis, évitant de personnaliser le mot qui y était déjà inscrit, se
contentant de signer

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