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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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vêtement par la taille et le
laissa pendre devant elle.
    – Qu’est-ce que c’est ça ?
    Émilie éclata de rire.
    – On m’avait dit que tu portais des
culottes, des chemises pis des cravates. J’ai trouvé que c’était une bonne
idée. J’ai juste décidé de l’améliorer. J’ai vu une jupe comme ça dans le
journal. C’est les femmes des rois en Angleterre qui portent ça pour faire du
cheval. Ça a l’air d’une jupe, mais en fait, c’est comme une culotte.
    Blanche éclata de rire et monta à sa chambre
pour essayer la jupe avant même d’ouvrir les deux autres boîtes. Elle
redescendit et parada devant une Émilie ravie.
    – J’ai pris les mesures sur Alice, en
septembre. Jeanne m’a dit que vous aviez la même taille. Ouvre la deuxième.
    Blanche obéit, cette fois un peu plus fébrile.
Elle sortit de la boîte un chemisier avec un col cravate. Elle poussa encore un
cri de joie et alla l’enfiler dans son bureau. La troisième boîte contenait le
camée monté en broche de sa mère.
    – J’ai pensé que ça serait beau sur la blouse.
    Blanche était émue. Ce camée avait toujours
fait partie des grands jours. Ce bijou était le seul, avec son alliance, que sa
mère avait toujours conservé. Elle aurait voulu la remercier mais elle en était
incapable. Elle s’excusa et sortit de la cuisine, se planta devant un miroir et
éclata presque en sanglots, se ressaisissant à la dernière minute, balaya son
chagrin d’un bon reniflement et retourna à la cuisine en regrettant d’avoir
posté le présent qu’elle avait choisi pour sa mère.
    Elle fut occupée pendant toute la durée des
fêtes, regrettant parfois de laisser sa mère. Jeanne était rentrée mais était
repartie pour le jour de l’ An .
    « Pourquoi est-ce que vous venez pas à La Sarre toutes les deux ? Émilien veut que
vous soyez là pour vous présenter quelqu’un… je devrais dire quelqu’une… de spéciale.
    – Dis à ton frère qu’en descendant j’vas
m’arrêter. »
    Blanche avait apprécié le geste de sa mère et
s’était excusée poliment de son absence. Elle était incapable de laisser la
population de Villebois sans infirmière.
    Dans la nuit du 31 décembre au 1 er janvier, elle et sa mère sortirent,
sur le coup de minuit, pour regarder le ciel.
    – C’est de valeur que ça soit pas la
saison des étoiles filantes, Blanche, parce que je t’aurais dit de faire un
vœu.
    – J’ai rien à désirer, moman. Ici, j’ai
tout ce que je veux.
    Émilie la regarda en hochant la tête et lui
sourit doucement.
    – Tu apprendras pas à un vieux singe à
faire des grimaces, Blanche.
    – Je vous jure, moman…
    – Jure pas, ma fille. Tu as pas une bonne
hérédité pour tenir des promesses.
    Émilie demeura à Villebois pendant deux
semaines et Blanche n’eut jamais le courage de lui parler de ce qui la
troublait. D’avoir sa mère près d’elle avait presque adouci son ennui. Mais les
rires de Clovis manquaient sérieusement à cette maison qui sentait l’éther et
l’encaustique.
    Blanche se couchait tous les soirs en essayant
d’imaginer l’endroit où il vivait, à Montréal, se refusant à croire qu’il
pouvait respirer et dormir quelque part en Abitibi. Elle pleurait discrètement
son manque de courage et de franchise. Elle se lamentait sur le mutisme de
Clovis, s’interrogeant toujours pour en connaître la véritable raison. Elle
savait qu’elle avait laissé filer la seule solution de rechange à cette vie
qu’elle menait qui aurait pu la combler.
     

5 0
     
    Le froid de janvier était tellement mordant
que Blanche ne savait plus comment réchauffer sa maison. Tous les jours, elle
demandait à Jeanne d’ajouter des bûches dans le poêle et elle-même veillait à
ce que sa petite fournaise de plancher fût toujours brûlante, pour éviter que
ses patients ne grelottent. Elle savait que sa maison était une des plus
confortables et, chaque fois qu’elle s’absentait pour faire une visite, elle
revêtait trois ou quatre chandails de laine pour pouvoir enlever son manteau.
Le froid s’immisçait partout : dans le dispensaire comme dans sa chambre,
dans la cuisine comme dans le hangar. Il attaquait aussitôt que le soleil était
couché, comme s’il avait attendu l’obscurité pour saisir ses proies par
surprise.
    Blanche avait eu une journée particulièrement
difficile. Elle avait dû sortir pour effectuer quatre visites, en était revenue
tellement gelée qu’elle

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