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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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souffle.
    – Tellement drôle que je gagerais que tu
vas t’écraser à côté de moi pis rire à t’user les côtes.
    Il se tenait maintenant le ventre.
    – Émilie, Rayon de Lune est partie parce
que… parce que…
    – Parce que ?…
    – Parce que j’étais toujours à la
maison !
    – Non !
    – Oui. Elle m’a dit que les femmes
devaient prendre soin des enfants pis attendre leur mari qui allait à la chasse
pis à la pêche. Elle a dit que c’était pas normal qu’un homme soit toujours à
la maison. Comme je suis garde forestier pis que ma jambe vaut plus rien, c’est
évident que je courais plus le bois. Rayon de Lune aurait voulu que j’apporte
du poisson à fumer pis des peaux à tanner. Elle s’ennuyait !
    Émilie aurait voulu être blessée ou choquée
mais le ridicule de la vie lui apparut et elle éclata. Elle s’affala à côté
d’Ovila en hurlant de rire. Elle essaya d’imaginer à quoi ils pouvaient
ressembler. Un vieux couple élimé comme ses couvertures de la Belgo. Elle
savait que ce qu’elle avait de nouveau envie de faire était sûrement immoral
mais ce goût de folie l’attirait plus que tout. Elle oublia les années et
s’abandonna dans les bras d’Ovila, presque étonnée de sentir son corps vibrer, presque
renversée d’entendre la réponse du sien.
    Ovila partit le lendemain. Rolande ne les
accompagna pas à la gare, prétextant qu’elle devait préparer ses cours. Émilie
marcha donc seule avec lui, le pas léger, le cœur battant. Le train arriva avec
un peu de retard.
    – En tout cas, Émilie, si tu veux venir
en Abitibi…
    – Non, jamais.
    – Si tu voulais que je vienne habiter
Saint-Stanislas…
    – Non plus…
    – Tu veux vraiment plus être ma femme…
    Elle l’interrompit en éclatant de rire.
    – Ça fait tellement d’années que je suis
plus ta femme que j’ai l’impression de t’avoir forcé à tromper les autres.
    Ovila la dévisagea. Elle ne sut si elle devait
lire de la tristesse dans son regard.
    – Pour parler franchement, Ovila, je
pense que j’aimerais ça jamais te revoir. Tout oublier pis garder cette nuit en
souvenir. Penses-tu que ça peut se faire ?
    – Tout oublier ?
    – Non. Garder juste une nuit de
souvenirs.
    Elle savait qu’elle venait de le pousser dans
ses derniers retranchements.
    – C’est ça que tu veux ?
    – Oui.
    – Ça se peut, d’abord. Pis si ça peut
t’aider, poursuivit-il en regardant autour de lui pour s’assurer que personne
ne pouvait entendre leur conversation, je peux te dire que Rayon de Lune a
jamais eu la peau aussi douce que la tienne. Pis jamais elle a senti aussi bon
que toi.
    – C’est parce que tu avais oublié la
marque de mon eau de toilette. Tu aurais pu arranger ça.
    – J’ai jamais voulu.
    Ils ne parlèrent plus. Le train entra en gare
et Ovila monta. Émilie souriait. Enfin un départ qui la réjouissait. Enfin une
rupture nette, sans regrets, sans remords. Elle le salua une dernière fois et
tourna les talons sans attendre que le train quitte la gare. Elle rentra
lentement, savourant la fraîcheur ensoleillée de septembre, pensant que c’était
de loin le plus beau mois de l’année.
     

4 9
     
    Blanche avait le nez collé à la fenêtre.
Clovis, qu’elle n’avait plus revu depuis le début du mois d’août, lui avait
écrit pour annoncer sa visite. Elle n’en pouvait plus d’attendre, craignant,
comme cela se produisait chaque fois qu’il venait, qu’une urgence ne l’éloigné
de la maison. Elle se limait les ongles, déçue d’être incapable de les laisser
s’allonger. Elle les gardait toujours courts pour éviter d’égratigner un malade
ou un nouveau-né.
    Elle l’aperçut enfin. Il était seul. Elle
courut à la cuisine et s’empressa d’enlever le couvert qu’elle avait mis pour
Lanctôt. Pendant une seconde, elle eut peur du tête-à-tête qui s’annonçait,
Jeanne ayant pris quelques jours de congé pour assister au mariage d’Alice.
Blanche revint à la porte, qu’elle ouvrit avant même qu’il ne commence à monter
l’escalier.
    – Bonjour ! Le voyage a été
agréable ?
    – Oui, madame.
    Elle souriait sans raison en le regardant se
déchausser et frapper ses bottes l’une contre
l’autre pour enlever la boue qui y adhérait.
    – Jean est pas avec toi ?
    – Non. Sa femme est sur le point
d’accoucher. Il est resté à Montréal.
    Il appuya ses bottes sur le mur à côté de la porte et l’incita à

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