Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
souriant, en fit
le tour des yeux, se retourna vers Émilie et s’approcha d’elle après avoir posé
sa valise. Il lui tendit les bras. Émilie ne s’y précipita pas. Elle était à
mi-chemin entre son cauchemar et la réalité.
    – Qu’est-ce qui te prend ? Tu
m’embrasses pas ?
    – Non.
    Ovila laissa retomber les bras et se dirigea
vers l’escalier. Émilie le regarda faire sans le suivre. Il boitait fortement,
le dos légèrement voûté. Peut-être venait-il
de sortir de l’hôpital ? Ovila se tourna et lui demanda s’il pouvait
réveiller les enfants.
    – Il y a juste Rolande en haut.
    – Les autres, où est-ce qu’ils
sont ?
    Émilie lui répondit et Ovila branla la tête.
Émilie ne sut comment interpréter sa réaction. Ovila monta péniblement
l’escalier, avançant le pied droit puis traînant le pied gauche. Émilie
grimaça. Où était-il, son bel animal qui courait dans les bois ? Où était-il,
son arbre mobile qui s’avançait sans faire de bruit ? Sans faire peur à un
seul oiseau ? Il parvint enfin au second étage et inspecta les lieux très
rapidement.
    – C’est pas mal moins bien que l’école du
Bourdais.
    – C’est pas mal mieux qu’un logement mal
chauffé !
    – Pourquoi est-ce que tu es pas allée
dans la maison près de la montée ?
    – Parce que j’avais pas envie de faire
vivre mes enfants dans un trou !
    – Exagère pas. La maison est vieille,
mais c’est jamais aussi pire qu’ici.
    – Quand je dis « un trou »,
Ovila, je dis « un trou ». La Shawinigan Water a exproprié la maison.
Maintenant, tout ce qui reste, c’est un trou !
    Ovila courba l’échiné comme si elle venait de
lui assener un coup de massue.
    – La maison du père ? Qui est-ce qui
a donné la permission de la démolir, hein ? Qui est-ce qui a empoch é l’argent ? Ti-Ton ou toi, peut-être…
    Émilie le regarda, sidérée. Ainsi donc, cette
histoire d’argent refaisait encore surface. Et pourquoi, moins de cinq minutes
après son arrivée, criait-il déjà ? Et pourquoi, moins de cinq minutes
après son arrivée, ne ressentait-elle rien en le regardant ?
    – Non, Ovila. C’est ta mère qui a touché
l’argent. Ta mère ! Pas ton frère. Pas moi. Ta mère !
    Elle le laissa assis sur une chaise de la
cuisine et se dirigea vers le poêle pour chauffer de l’eau.
    – Veux-tu un thé ou un café ?
    – Juste un grand plat d’eau chaude.
    – Pourquoi ?
    – Pour faire un pansement sur ma
jambe ! Tu as pas remarqué ? Je boite  !
Je boite comme un vieux qui a mal dans tous
ses os. Tu as pas vu ça, Émilie ?
    Émilie remplit sa bouilloire d’eau sans le
quitter des yeux. Il n’y avait plus de tendresse dans cet homme courbé. Il n’y
avait plus d’Ovila. Pourquoi avait-elle encore une fois espéré qu’il
reviendrait en sifflant comme s’il était parti la veille ? Lui aussi la
regardait. De la tête aux pieds puis des pieds à la tête.
    – Tu as changé, Émilie.
    – On a changé, Ovila. Toi pis moi. On a
changé…
    – Pas tant que tu penses.
    Elle déposa la bouilloire bruyamment sur le
poêle. Elle se plaça devant lui, les mains sur les hanches.
    – De quel droit, Ovila, peux-tu dire que
j’ai peut-être pas tant changé ? Tu sais même pas ce que j’ai vécu depuis
que tu es parti de Shawinigan.
    – Je suis pas parti de Shawinigan !
Tu m’as fait partir.
    – D’accord, je t’ai fait partir. Mais ton
départ nous a coûté cher !
    – Tu vas encore me parler d’argent !
    – Je pensais pas à l’argent. Je pensais à
nos vies ! À celle des enfants, aussi.
    – Tu t’en occupes même pas, des
enfants !
    Émilie le gifla, une fois, puis deux puis
trois. Ovila ne broncha pas. Émilie cessa brusquement et éclata en sanglots.
    – Veux-tu bien me dire ce que tu es venu
faire ici ?
    – Je te ferai remarquer que c’est toi qui
m’as invité…
    Émilie versa l’eau chaude dans un plat de
métal, y mit un peu de sel, une goutte d’eau de Javel, et demanda à Ovila de se
déchausser et de relever son pantalon. Ovila se déchaussa mais, au lieu de remonter
le pantalon, il l’enleva complètement. Émilie, atteinte subitement d’une
attaque de pudeur, détourna les yeux.
    – Dis-moi pas que tu vas prendre un air
effarouché parce que tu me vois en p’ tit
corps !
    Émilie ne répliqua pas. Elle eût été mal à
l’aise de lui avouer que le bouclier de son âme n’était pas encore

Weitere Kostenlose Bücher