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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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humeur, ne proposa rien. Elle remarqua toutefois
qu’il s’abstenait de sortir de l’école. Personne, hormis elle et Rolande, ne
connaissait sa présence. Ils parlèrent peu, se contentant de jouer avec
Rolande, qui appréciait la diversion. Ovila dormit encore avec Émilie mais, si
elle le respirait à pleines narines, elle ne voulut point le laisser approcher,
accusant ses maux de ventre. Ovila n’insista pas.
    Le troisième jour, il prit une bûche et sortit
son couteau de poche. Émilie comprit que bientôt il lui parlerait du bois.
    Celui de la Mauricie ou celui de
l’Abitibi ? Ce jour-là, elle évita d’être seule avec lui, allant même au
village pour acheter du fil, du tissu et de l’encre de Chine. Elle traîna
Rolande, de façon à n’éveiller la curiosité de personne. Elle revint sous la
pluie battante, mouillée et morte de rire. Elle adorait se faire surprendre par
la pluie et rentrer trempée. Ils mangèrent presque en silence, parlant tous les
deux à Rolande plutôt que de se parler. Émilie coucha la petite et tailla le
nouvel uniforme de Blanche. Ovila la regardait faire, tirant, à intervalles
réguliers, des bouffées sur sa pipe.
    – J’imagine que tu as compris qu’avec mon dos pis ma jambe, c’est fini, les chantiers.
    – Oui.
    – J’imagine que tu te demandes quel genre
de travail j’vas faire, à c’t’heure.
    – Non. Tu as assez d’imagination pis de
talent. Tu peux travailler le bois…
    – Je t’ai déjà dit que jamais plus je
travaillerais le bois !
    Émilie ne se laissa pas impressionner,
continuant de taille r
    son tissu, regardant de temps en temps un
papier sur lequel elle avait inscrit les mesures de Blanche. Mais elle sentait
monter la tension. Dans quelques minutes, Ovila lui parlerait de sa dernière
idée. De son dernier fantasme. Dans quelques minutes, elle aurait à décider.
    – Ça fait un mois que je suis sorti de
l’hôpital.
    Il attendait une remarque, une réplique, mais
Émilie se tut, la bouche remplie d’épingles.
    – Ça fait un mois que je pense à notre
avenir. Barraute, Émilie, j’ai pas aimé ça. C’est une petite ville qui commence
juste à ressembler à autre chose qu’un campement. J’ai loué quatre lots, un
pour moi pis un pour chaque gars, mais avec les moustiques pis tout le travail
à faire, j’ai pas réussi à défricher autant que je devais. Ça fait que j’ai
perdu mes lots.
    Émilie pensa qu’il aurait pu ajouter qu’il
avait aussi perdu beaucoup de temps et d’argent à boire. Avec sa force, il
aurait dû être capable de remplir ses contrats. Elle ne réagit pas.
    – Tu dis rien ?
    –  H ’ ai rien à hire , tenta-t-elle de répondre,
les lèvres toujours pincées sur ses épingles.
    – Tu me fais rire, toi. Je te dis que je
peux plus aller aux chantiers, pis tu dis pas un mot. Ma foi du bon Yeu ,
sais-tu ce que tu veux ? Ton mari est quasiment infirme ! Tu vois
pas ?
    Émilie cracha ses épingles et le regarda,
furieuse.
    – Qu’est-ce que tu veux me dire,
Ovila ? Tu parles d epuis tantôt. Ce que
moi j’ai entendu, c’est : un, que tu es
quasiment infirme ; deux, que Barraute ça a pas marché ; trois, que
tu veux plus travailler le bois. Mais à travers tout ça, ce que je comprends,
moi, c’est que tu veux retourner dans le bois. Pis ce que j’attends, c’est probablement
la prochaine phrase que tu vas dire.
    Elle se remplit la bouche d’épingles et
continua son travail.
    – C’est vrai que tu as changé, Émilie,
mais à mon avis, tu es encore aussi maîtresse d’école qu’avant.
    – Au cas où tu l’aurais pas remarqué,
Ovila, je suis encore une maîtresse d’école. Pis j’ai pas perdu la main.
    – Pas étonnant. Tu as passé ta vie à te pratiquer avec moi.
    – Une chance ! Sans ça, c’est pas
mon élève qui aurait donné à manger à mes enfants pendant la dernière année.
    – Comment est-ce que je pouvais leur
donner à manger quand j’étais cloué sur un lit d’hôpital ?
    – Cesse de te mentir, Ovila. L’hôpital,
c’est depuis les fêtes. Avant ça, j’ai jamais rien reçu. Non, c’est pas vrai.
On a eu des cages. Est-ce que c’était pour attraper des poules ? Ovila,
commence donc à vieillir un peu, pis cesse de te faire des illusions.
    La discussion s’envenima. Ovila blâma Émilie
pour son accident. Après tout, il venait la voir lorsque c’était arrivé. Émilie
répliqua qu’il devait avoir fêté sa venue avant

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