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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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toujours Ovila. De
la sève dans les veines. Mais le soulagement qu’elle aurait voulu complet était
sans cesse assailli par une pointe d’inquiétude. Peut-être n’allait-il pas
bien ? Peut-être avait-il eu des complications ? Peut-être…
Peut-être… À assaisonner ses nuits et ses jours de « peut-être »,
elle en était venue à se demander si peut-être elle ne frôlait pas la folie.
    L’été, depuis deux semaines, était chaud et
humide et elle avait terminé son année d’enseignement dans les sueurs. À son
grand étonnement, elle avait reçu sa première prime d’enseignement. Elle s’en
était d’abord réjouie mais, en y repensant, elle avait trouvé la coïncidence
trop visible. Comme par hasard, elle était seule. Comme par hasard, elle avait
besoin de cette prime. Comme par hasard, l’inspecteur était veuf. Trop de
hasards à son goût pour lui faire croire une minute de plus à la reconnaissance
de ses qualités d’institutrice. Elle-même était d’avis qu’elle avait déjà été
bien plus compétente, ce que les résultats des élèves semblaient démentir.
    Cet été qui lui collait à la peau était
insupportable. Marie-Ange, Rose et Émilien habitaient au village. Clément et
Jeanne étaient partis au lac à la Tortue, chez Éva. Paul, Blanche et Alice étaient
au Bourdais. Avec elle, il n’y avait que Rolande, qu’une soudaine désertion de
l’école rendait maussade du matin au soir. Les Pronovost s’étaient donné le
mot. Ils voulaient lui permettre de se reposer un peu. Mais elle n’avait pas
besoin de ce repos-là. Elle aurait préféré avoir ses enfants avec elle pour
retrouver la paix de l’âme. Mais elle n’avait qu’une enfant et l’âme troublée.
    Dès qu’elle avait fini de sarcler son potager,
elle entrait dans l’école, véritable bouilloire, et préparait les vêtements des
enfants. Jeanne suivrait Blanche au couvent. Marie-Ange avait préféré continuer
à travailler. Elle ne lui en voulait pas. Non. Les temps n’étaient plus à la
rancœur. Parce que ses enfants, manifestement, prenaient leurs décisions en
fonction de ses besoins à elle… En fait, seuls Rose et Paul l’inquiétaient.
Elle avait été avisée par les gens de la Acme Glove que Rose, peut-être, ne
ferait plus l’affaire. Ils lui avaient dit qu’elle était habile et travaillait
bien mais qu’il lui manquait la rapidité d’exécution. Quand trop de gants
s’accumulaient devant elle, Rose s’énervait et c’est dans ces moments-là
qu’elle coupait un doigt. Maintenant, il lui fallait trouver autre chose pour
Rose. Le curé Grenier lui avait dit qu’il chercherait, lui aussi, de son côté.
Quant à Paul, depuis Pâques, il ne parlait que d’une chose. Il voulait étudier
chez les trappistes, à Mistassini ! Émilie avait d’abord cru qu’il voulait
blaguer, mais il était tellement obstiné qu’elle en avait parlé au curé Grenier.
Paul lui avait dit, à lui, qu’il ne voulait pas aller au collège des frères de
Saint-Gabriel. Il préférait d’emblée le monastère des trappistes ! D’aussi
loin qu’elle se rappelait, Paul avait toujours dit qu’il voulait être prêtre.
Émilie, que la religion n’avait jamais empêchée de respirer, avait pris ces
remarques peut-être un peu trop à la légère. Un fils prêtre ! Joli
paradoxe, aurait dit le curé Grenier.
    Le soir était enfin arrivé pour apaiser
Rolande et apporter un peu de fraîcheur. Émilie se prépara un bain d’eau tiède
et s’y plongea. Il lui fallait absolument réfléchir à l’avenir de Paul et de
Rose. Quant au sien, elle savait qu’elle travaillerait et habiterait l’école du
haut du lac durant une autre année. Ensuite, elle verrait. Elle sortit du bain
et s’assécha, enfila une chemise de nuit trop lourde à son goût et se glissa
sous des draps collants d’humidité. Elle détestait ces draps d’été qui ne
craquaient pas de fraîcheur.
    Elle s’endormit péniblement, fut réveillée à
deux reprises. La première fois par un cauchemar dans lequel elle revit sa
Louisa étouffée. Elle se leva et courut au chevet de Rolande, qui dormait
paisiblement. La seconde fois parce qu’elle entendit frapper à la porte. Elle
se releva, craintive, et descendit dans la classe. Elle s’approcha de la porte
et l’entrouvrit.
    – Tu en mets du temps, ma belle brume, à
ouvrir. Avais-tu l’impression que j’étais un quêteux ou quoi ?
    Ovila entra dans l’école en

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