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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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coupa le
moteur et Blanche lui serra la taille une dernière fois avant de descendre. Son
pied se coinça et elle tomba sur les fesses .
Napoléon l’aida à se relever en riant.
    – Décidément, ça devient une manie.
    – J’ai le don, moi, de faire les affaires
à l’envers.
    Ils se quittèrent enfin. Blanche ne voulut pas
rentrer. Elle s’assit sur les marches devant l’école et décida d’y passer la
nuit. Pendant plusieurs minutes, elle entendit le grondement du moteur de la
moto. Elle s’accrocha à ce son comme s’il avait signifié que tant qu’elle
l’entendrait, elle respirerait. Le son s’étouffa enfin. Elle abandonna sa tête
sur ses genoux et pleura en silence.
    Émilie entendit sonner l’heure. Trois heures.
Elle se leva et regarda par la fenêtre. Elle vit Blanche, couchée de travers
sur deux marches de l’escalier. Elle descendit pour la rejoindre, le cœur à
l’envers. Combien de fois, elle aussi, avait-elle eu mal d’un départ !
    – Dors-tu, Blanche ?
    – Non. J’essaie de rêver les yeux
ouverts.
    Émilie s’assit à côté d’elle, empêtrée dans
ses gestes. Finalement, elle réussit à la prendre dans ses bras.
    – Je sais, ma Blanche, que ça fait mal.
    – J’imagine, oui. Pâpâ est parti comme ça
combien de fois ?
    Émilie sursauta. Dans toute l’immensité de son
premier chagrin de cœur, sa fille venait d’entrevoir une parcelle du sien.
    – Des centaines, je pense.
    – C’est trop.
    – C’est bien ce que je me suis toujours
dit.
    Blanche et ses sœurs entrèrent au couvent.
Émilie les accompagna, tenant la main de Rolande. Blanche savait que sa mère
souffrait en silence. Maintenant, elle serait seule avec Clément. Elle lui
promit de veiller à ce que Rolande ait tout ce qu’il lui fallait. Émilie hocha la
tête pour lui faire comprendre qu’elle lui faisait confiance.
    Sa onzième année commença sans entrain. Les
filles de Saint-Tite qui étaient pensionnaires essayèrent de la questionner sur
le beau Frigon, mais si elle avait déjà pensé les épater avec sa conquête, elle
n’en avait plus envie. Napoléon lui appartenait et elle n’avait pas l’intention
de le partager avec qui que ce soit. Elle reprit son travail auprès du curé
Grenier, sans grand enthousiasme. Elle n’avait hâte qu’à une chose : le
congé de la Toussaint. En revanche, elle étudia à s’en user le cerveau, avide
de tout savoir pour pouvoir discuter avec Napoléon. Elle voulait aussi profiter
pleinement de cette avant-dernière année d’études. Ensuite, elle enseignerait.
    Le curé Grenier entra dans sa salle à manger,
enleva son chapeau et le suspendit à un des crochets qui encadraient le miroir.
    – Bonjour, Blanche. Ça va bien
aujourd’hui ?
    – Oui, monsieur le curé.
    – Tu penses pas trop au petit Frigon,
j’espère ?
    Elle le regarda, se demandant pourquoi, tout à
coup, il lui parlait de Napoléon. Elle ne répondit pas.
    Le curé se tut, avala sa soupe sans abandonner
le sourire qui déteignait dans ses yeux. Blanche, intriguée, cherchait à
comprendre d’où lui venait ce soudain intérêt.
    – Pourrais-tu m’apporter du pain, s’il
vous plaît ?
    Elle courut à la cuisine chercher d’autre
pain.
    – Merci. J’ai une faim de loup
aujourd’hui.
    – C’est que vous êtes en santé, monsieur
le curé.
    – Ah oui ! Je suis en grande forme
pour un homme de mon âge.
    Il repoussa son bol et entama son bœuf.
    – Dis donc, Blanche, est-ce que les sœurs
lisent toujours votre correspondance ?
    – Ben… oui. Ça a toujours été comme ça.
    – Ça peut se comprendre. J’ai déjà
entendu parler d’une lettre qu’une pensionnaire avait écrite à ses parents,
leur racontant comment elle avait perdu un œil, quand, en fait, elle s’était
tout simplement fendu un sourcil en tombant. C’est pour ça que les religieuses
croient plus prudent de vérifier le contenu des lettres. J’ai aussi entendu
parler d’une lettre qui annonçait à une pensionnaire la mort de sa mère. Ça
fait que les sœurs ont pu le lui dire elles-mêmes. C’est pas mal mieux que de
l’apprendre toute seule dans un petit coin. Tu penses pas ?
    – Je pense que c’est mieux, oui.
    Blanche s’énervait. Pourquoi lui parlait-il de
lettres depuis le début du repas ?
    – Moi personnellement, dit-il en
s’essuyant les moustaches, je pense que, d’une certaine façon, c’est dommage
parce qu’on peut pas écrire à ses

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