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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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parler devant la classe. Les élèves l’avaient écoutée
poliment. Du respect. Elle avait senti que les élèves la respectaient
simplement parce qu’elle était debout à l’avant et qu’eux étaient assis. La
différence était tellement grande qu’elle s’était demandé si l’autorité ne
tenait qu’à un titre. Qu’à la place que l’on prenait dans un espace. Il lui
faudrait réfléchir à tout cela pendant les longues soirées d’été qui s’annonçaient.
    Le matin du déménagement, elle s’était levée
très tôt pour préparer le repas. Sa mère avait pu dormir un peu plus longtemps.
Elle avait prié Clément et ses sœurs de ne pas faire de bruit. Ils l’avaient
écoutée ! Tout simplement parce que, depuis le départ d’Émilien, elle
était devenue l’aînée. Quand sa mère les avait finalement rejoints, elle
s’était désespérée de voir la pluie tomber. Une pluie grise, sans merci.
    – Comment est-ce qu’on va faire pour dé ménager par un temps pareil ? C’est vraiment
pas possible.
    – C’est pas grave, moman. On va se
débrouiller. On n’est pas faits en chocolat.
    Sa mère avait ri et leur avait juré que
c’était la dernière fois qu’elle bougeait. Ils avaient attendu leur oncle Ovide
mais il n’était pas venu. Clément s’était bien couvert et était parti à sa
rencontre. Il était rentré pour leur annoncer que leur oncle était alité,
toussant et crachant à cause de l’humidité. Sa mère avait soupiré tristement.
Ils avaient donc tous retroussé leurs manches et à midi ils étaient prêts à partir
lorsque le curé Grenier était arrivé, mouillé comme un canard.
    – J’imagine, Émilie, que vous avez besoin
de bras ?
    – C’est pas de refus, monsieur le curé.
J’ai ceux de Clément, mais vous savez, ça en fait juste deux.
    – Avec les miens, ça va en faire
quatre !
    Le curé, toujours gentil avec eux, les avait
donc aidés. L’école était dans un état pitoyable. Sa mère avait soupiré et
annoncé qu’elle achèterait de la peinture. C’était une dépense qu’elle n’avait
pas prévue, mais elle n’avait pas le choix. Conséquemment, elle leur demanda, à
elle et à Clément, d’essayer de trouver un petit travail pour l’aider à joindre
les deux bouts. Clément et elle se mirent en quête de quelque chose. Grâce aux
relations de son oncle Oscar, Clément put travailler à la gare, à vider les wagons
de marchandises. Elle n’avait rien trouvé. Aussi décida-t-elle de confectionner
des échantillons de dentelle française et de les offrir au marchand général et
à la chapelière. Bientôt, elle eut tellement de commandes que sa mère troquait
son pinceau contre les fuseaux afin de l’aider. Même Jeanne s’y mit.
    Ils passèrent donc l’été dans la dentelle et
l’odeur de la peinture et elle fut terriblement fière de donner de l’argent à
sa mère et d’en avoir encore pour en déposer à la banque. Maintenant, elle
avait près de cinquante dollars. Dès qu’elle avait quelques minutes, elle
regardait le catalogue de T. Eaton & Co. e t se
choisissait une garde-robe, calculant bien le coût de chaque article. Elle
s’était choisi une garde-robe de sous-vêtements qui lui aurait coûté douze
dollars. Elle en avait ensuite choisi une pour voyager. Celle-là aurait coûté
quarante-sept dollars, incluant le prix de la valise. Enfin, elle en avait
choisi une pour l’Abitibi. Celle-là, plus amusante que toutes les autres parce
qu’elle y avait inclu des chemises et des cravates, lui aurait coûté
trente-neuf dollars. Elle était riche. Dans sa tête et dans ses poches.
    Le soleil d’août adoucissait les couleurs des
toitures du village. Blanche approchait de chez la chapelière sur la bicyclette
que le curé Grenier leur avait donnée. Il n’avait plus l’âge de pédaler,
avait-il dit. Elle tenait solidement son sac de dentelles de la main gauche. Un
chat sortit d’entre deux maisons et se précipita devant elle. Elle tenta de
freiner, mais perdit l’équilibre et s’affala sur le côté, s’écorchant un genou,
et déchirant sa robe et ses bas. Elle se releva rapidement, blessée dans son
orgueil, voulut enfourcher sa bicyclette mais vit qu’elle avait une crevaison.
    – Est-ce que je peux t’aider ?
    Elle allait répondre non lorsqu’elle se rendit
compte que la personne qui venait de lui parler était le plus beau des garçons
qu’il lui avait été donné de rencontrer. Elle ne

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