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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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passage qui débouchait dans celui, plus important, donnant à gauche sur la cour de l'hôtel et, à droite, sur la porte des cuisines. Nicolas ouvrit l'enveloppe pour en sortir une grosse clef. Il faudrait vérifier si des doubles existaient. Le souci de ce genre de détails faisait une bonne police ; ils étaient souvent plus éloquents que d'autres. Il fit jouer la serrure et pénétra dans une première salle éclairée largement par de grands soupiraux à hauteur de plafond.
    — Voici la cuisine proprement dite, s'exclama Provence en s'avançant vers une autre salle. Et voilà la rôtisserie, c'est là que…
    Nicolas ne le laissa pas achever et se retourna avec un sourire aimable.
    — Merci, je souhaiterais rester seul, à présent. Encore une chose, cependant : pourriez-vous faire porter un message au Grand Châtelet, au bureau de permanence des commissaires et inspecteurs ?
    Il arracha une page à son carnet et, s'appuyant contre le mur, rédigea à la hâte une note pour l'inspecteur Bourdeau, le priant de le rejoindre sans désemparer à l'hôtel Saint-Florentin avec charrette, exempts et tout le matériel nécessaire au transport du cadavre. Il savait que son adjoint, depuis des semaines, passait chaque matin à la vieille prison dans l'espérance toujours déçue d'une mission à diligenter. Il fouilla sa poche et trouva un morceau de pain à cacheter qui lui permit de fermer son message. Il signa en travers de celui-ci à la mine de plomb, afin d'éviter toute tentative d'indiscrétion, et remit le tout au valet qui lui parut faire grise mine d'être exclu de son exploration des lieux du crime. Cette réaction lui sembla étonnante, son expérience en la matière montrait plutôt que les témoins mêlés à un crime sanglant évitaient le plus possible de se retrouver face au théâtre du drame. Encore une fois, il nota le fait. Peut-être, songea-t-il, l'homme était-il chargé par le ministre de lui faire rapport sur ses premières constatations ?

    Le sol de la rôtisserie ressemblait à celui d'une boucherie après l'abattage d'une bête. Rien de concluant ne pourrait être tiré des empreintes qui subsistaient dans la boue sanglante souillant les carreaux noirs et blancs. Il semblait pourtant qu'on eût traîné un corps, sans doute celui de Jean Missery, le maître d'hôtel. Sur le sol, un couteau de cuisine au manche de bois et à un seul rivet attira son attention : c'était un de ces objets courants appelé eustache. Il était de taille moyenne et sa lame mesurait un peu plus de la longueur d'une main. Les remugles qui flottaient dans la salle lui rappelèrent d'autres circonstances où dominait aussi l'odeur douceâtre et métallique du sang. Nicolas monta sur un escabeau pour avoir une vue d'ensemble.
    Provence lui avait dressé un tableau exact. D'abord, le corps d'une jeune femme affaissée, comme agenouillée, au pied d'une paillasse. La tête formait un angle étrange par rapport au reste du corps, et la victime s'était vidée de son sang qui étalait sa masse brune tout autour d'elle. Il nota un détail incongru : comme épargnés par ce flot, apparaissaient les deux pieds d'un blanc d'ivoire. À quelques pas de là, une autre masse plus rouge. Il ne fallait pas être grand clerc pour juger que deux flots d'une origine différente, ceux des deux victimes, s'étaient répandus sur le sol. Un laps de temps, peut-être important – il conviendrait de le déterminer – séparait les deux épanchements. Il tenta à nouveau de solliciter le désordre des empreintes sans parvenir à rien discerner d'autre qu'un piétinement affolé. Il en revint à l'examen du corps.
    La jeune femme était vêtue d'une jupe, d'un caraco et d'un tablier dont il voyait les nœuds, celui de taille et surtout celui de la bavette, signe distinctif d'une femme de chambre. Les cheveux coiffés en chignon relevé dégageaient une nuque étroite, presque celle d'une enfant. La coiffe de dentelle avait glissé à terre et baignait dans le sang. Nicolas fut frappé par la vue de deux mules qui gisaient à quelques pas du corps. Il ne s'agissait pas d'objets habituels à une jeune fille en condition, mais de pièces luxueuses, coûteuses même, qui détonnaient. Il descendit de l'escabeau et s'approcha en s'efforçant de maîtriser deux sentiments confondus : celui de l'appréhension du contact avec le cadavre et celui de la pitié devant cet être massacré. Il dut prendre sur lui pour vérifier l'état du

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