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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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corps et évaluer le moment de la mort. Il s'aperçut qu'il avait oublié sa montre rue Montmartre. Lui naguère si soucieux d'exactitude, depuis que plus rien ne le pressait, il était devenu coutumier de ces sortes d'étourderies. Il tenta mentalement de mesurer le temps écoulé. Il avait quitté l'hôtel de Noblecourt vers neuf heures, ses courses avaient pris deux heures mais avaient été allongées par le plaisir de la flânerie et de la lecture chez les bouquinistes. En tout, cela donnait du midi au moment où les exempts l'avaient interrompu. Les embarras des rues ayant retardé la voiture jusqu'à la rue Neuve-Saint-Augustin, l'entrée dans le bureau de M. Le Noir pouvait être fixée à midi trente. Entretien, fiacre et conversation avec le duc de la Vrillière, puis avec Provence. Il ne devait pas être loin de deux heures de relevée.
    Il savait que la rigidité des cadavres ne se développait que par degrés. Plus elle tardait à se manifester et plus sa durée était considérable. Il fallait prendre en compte la situation des lieux et leur température. Les cuisines sont en général froides la nuit, quand les feux sont éteints et l'aération efficace. Or, octobre était là et la froidure commençait à pointer. La durée de la rigidité était présumée moindre dans un air humide et chaud que dans un air sec et froid. En outre, il était constant que la rigidité tardait beaucoup à apparaître quand la mort est prompte, comme cela semblait être le cas. Maniant le corps, il constata un reste de raideur. Il estima que le meurtre avait dû se produire dans une période comprise entre dix heures et minuit.
    Il se pencha pour observer l'horrible blessure à la base du cou. Un coin de bois aurait-il été enfoncé sous l'oreille droite que les chairs n'auraient pas été plus meurtries et détruites. On voyait encore, au fond de la plaie, un morceau de dentelle de la chemise. Ainsi, la vie s'était enfuie en une hémorragie sans fin. La pauvrette n'avait plus de regard. La cornée des yeux ouverts était déjà obscurcie par un enduit glaireux et comme membraneux. Il frémit devant ce visage que l'empreinte de la mort défaisait déjà : le front se ridait, le nez se resserrait, les lèvres pendaient sur une mâchoire ouverte et la peau, sèche et livide, offrait à l'ensemble un aspect contourné marqué d'une stupeur cruelle et hébétée. Il fouilla les poches du tablier et de la jupe sans rien trouver d'autre qu'un mouchoir et une petite chaîne de métal avec une croix qui, rompue, avait glissé dans un repli de tissu.
    Il n'y avait plus rien à faire en attendant la venue du brancard qui emporterait ces restes jusqu'à la table d'opération de la basse-geôle. Alors, peut-être, d'autres constatations ouvriraient des voies nouvelles à l'enquête. Il lui restait à engager une expérience délicate. Puisqu'il ne pouvait rien tirer de la boue sanglante du sol, il lui fallait examiner les alentours. Là, sans doute, les traces s'espaceraient et permettraient une lecture plus précise. La cuisine et la rôtisserie étaient pleines de pas ; il n'y avait là rien que de très normal du fait du piétinement des domestiques venus assister le maître d'hôtel blessé pour le porter jusqu'à son logement à l'entresol. Dans la cuisine, il retrouva toute une série de couteaux identiques à celui qu'il avait trouvé par terre. Ce dernier provenait-il des ustensiles de l'hôtel ou de l'extérieur ? Nicolas se trouvait dans une bonne maison et l'état étincelant de l'ensemble de l'office prouvait un entretien quotidien et attentif. Peut-être qu'un inventaire… Cette idée en amenant une autre, une évidence le fit sursauter : la blessure au cou de la jeune femme, large, profonde et écrasante pour les chairs ne pouvait avoir été causée par l'eustache. Il faudrait examiner la blessure de Jean Missery pour savoir si le couteau sans doute utilisé sur lui l'avait été aussi sur la femme de chambre. Le résultat de ces examens pouvait changer les perspectives.
    Il en revint au problème des empreintes. Il demeurait obsédé par celles relevées dans l'escalier de dégagement entre l'entresol et le rez-de-chaussée. Il marchait sur la pointe de ses souliers, essayant d'éviter les zones souillées non sans ajouter ses propres traces à celles existantes. Un chemin brunâtre conduisait au passage menant à la cour. Il enleva ses souliers pour parcourir une partie apparemment immaculée. Il ne vit rien

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