Le Crime De Paragon Walk
C’était
peut-être dans l’allée. Qu’essaies-tu de me dire ?
Emily commençait à comprendre.
— Emily, si j’avais déchiré ma robe et défait mes
cheveux, puis couru en criant dans la rue, en quoi aurais-je eu l’air différente
de Selena, telle qu’elle t’est apparue l’autre soir ?
Les yeux d’Emily étaient d’un bleu limpide.
— En rien, répliqua-t-elle tandis que tout s’éclaircissait.
— À mon avis, personne n’a agressé Selena, dit
Charlotte, détachant soigneusement chaque mot. Elle a tout inventé pour attirer
l’attention sur elle et prendre sa revanche sur Jessamyn. Seulement, Jessamyn a
vu clair. C’est pourquoi elle a fait mine de la plaindre, sans que cela l’affecte
le moins du monde. Elle savait très bien que Paul Alaric n’avait jamais touché
à Selena.
— Pas plus que Hallam ?
De par l’intonation de sa voix, Emily avait répondu à sa
propre question.
— Pauvre homme !
À nouveau, la tragédie l’emportait sur la farce : Charlotte
ressentit le frisson glacé de la vraie terreur et d’une mort réelle.
— Pas étonnant qu’il ait perdu la tête. Il a juré qu’il
n’avait pas attaqué Selena, et il n’a pas menti.
Une colère froide l’envahit, contre Selena et le mal qu’elle
avait causé, même involontairement.
C’était cruel et égoïste de sa part. Selena était une femme
gâtée ; Charlotte aurait voulu la punir, du moins lui faire comprendre que
quelqu’un connaissait la véritable version des faits.
Emily s’en rendit compte immédiatement. Elles échangèrent un
regard : les explications étaient inutiles. En temps voulu, Emily ferait
mesurer très précisément à Selena l’étendue de sa colère et de son mépris.
— Nous ne savons toujours pas ce qui se passe ici, reprit-elle
au bout d’un moment. On a élucidé un petit mystère, soit, mais cela ne nous dit
pas ce qu’a vu Miss Lucinda.
— On n’a qu’à demander à Phœbe.
— Crois-tu que je n’ai pas essayé ? lança Emily, agacée.
Si c’était aussi facile, j’aurais déjà eu la réponse depuis plusieurs semaines !
— Oh, je sais bien qu’elle ne nous le dira pas
intentionnellement, fit Charlotte sans s’émouvoir. Mais elle pourrait commettre
un lapsus.
Docile, mais sans grand espoir, Emily l’escorta jusqu’à Phœbe
qui sirotait une limonade en causant avec une inconnue. Il leur fallut dix
bonnes minutes de plaisanteries innocentes avant que Phœbe ne fût entièrement à
elles.
— Oh, mon Dieu, soupira Emily, quelle rabat-joie !
Un mot de plus sur sa santé, et je vais devenir grossière.
Charlotte saisit aussitôt la perche.
— Elle ne connaît pas sa chance, dit-elle en regardant
Phœbe. Si elle avait dû traverser les mêmes épreuves que vous, elle n’aurait
pas fait tant d’histoires pour quelques nuits blanches.
Elle hésita, ne sachant comment formuler sa question sans
paraître trop indiscrète.
— Quand on a vécu un drame et que les soupçons s’orientent
sur un membre de votre propre famille, ce doit être un véritable cauchemar !
Le visage de Phœbe respirait une candeur non feinte.
— Oh, je n’étais pas trop inquiète. Je savais que
Diggory n’était pas capable de tant de cruauté. Il n’est pas méchant pour un sou,
comprenez-vous. Et j’étais sûre que ce n’était pas Afton.
Charlotte était abasourdie. S’il existait sur terre un homme
foncièrement cruel, c’était bien Afton Nash. Elle l’aurait suspecté quel que
fût le crime, mais de tous les crimes, le viol semblait le mieux correspondre à
son tempérament.
— Comment pouvez-vous en être sûre ? demanda-t-elle
sans réfléchir. Lui aussi est resté seul à un moment de la soirée.
— Je…
À sa stupéfaction, Phœbe rougit jusqu’à la racine des cheveux.
— Je…
Elle cligna des paupières ; ses yeux s’emplirent de
larmes, et elle regarda ailleurs.
— J’étais convaincue que ce ne pouvait pas être lui… c’est…
c’est ce que j’ai voulu dire.
— Mais vous êtes au courant que quelque chose ne tourne
pas rond ici !
Emily profita de l’occasion et du silence soudain de
Charlotte.
Phœbe la contempla, les yeux agrandis, tandis que la question
fatidique s’imposait à son esprit.
— Vous savez ce que c’est ? souffla-t-elle.
Emily hésita entre mentir et avouer son ignorance. Finalement,
elle opta pour un compromis.
— En partie, oui. Et j’entends le combattre ! Vous
nous
Weitere Kostenlose Bücher