Le Crime De Paragon Walk
aiderez, n’est-ce pas ?
C’était un coup de maître. Charlotte la couva d’un regard admiratif.
Phœbe lui prit le bras et le serra à lui arracher une
grimace.
— Oh non, je vous en supplie, Emily ! Vous ne
savez pas ce que vous faites. Le danger n’est pas écarté. Il y a d’autres
périls, plus grands encore, à venir. Croyez-moi !
— Raison de plus pour se battre !
— On ne peut pas ! C’est trop énorme, trop
terrifiant. Il faut juste porter une croix, dire ses prières matin et soir et
ne pas sortir après la tombée de la nuit. Il ne faut même pas regarder dehors. Restez
chez vous et ne cherchez pas à savoir. Faites ce que je vous dis, Emily, et
vous serez peut-être épargnée.
Charlotte aurait voulu poursuivre, mais sentir une telle
peur lui fendait le cœur. Elle posa la main sur le bras d’Emily.
— Voilà un excellent conseil, déclara-t-elle, ravalant
son émotion. Si vous voulez bien nous excuser, nous devons parler à Lady
Tamworth. Nous ne l’avons même pas encore saluée.
— Bien sûr, murmura Phœbe. Mais faites très attention à
vous, Emily ! Souvenez-vous de ce que je vous ai dit.
Emily sourit faiblement et se dirigea à contrecœur vers Lady
Tamworth.
Ce fut seulement au bout d’une demi-heure qu’elles parvinrent
à s’éclipser derrière les rosiers et à se glisser discrètement dans le jardin
privé. Elles se retrouvaient dans le chemin herbacé qui aboutissait à une autre
haie, plus haute et totalement impénétrable.
— Et maintenant ? s’enquit Charlotte.
— Il faut aller de l’autre côté. Il y a sûrement un
passage ou une porte quelque part.
— J’espère qu’elle n’est pas fermée.
Charlotte était contrariée. Si tel était le cas, elles ne
pourraient pas aller plus loin. Curieusement, cette idée ne l’avait pas
effleurée plus tôt, car elle-même ne fermait jamais ses portes à clé.
Elles marchaient côte à côte, scrutant le feuillage épais jusqu’à
ce qu’elles tombent sur la porte, pratiquement masquée par la verdure.
— On dirait qu’elle n’est pas utilisée ! s’exclama
Emily, incrédule. Ce n’est pas possible.
— Attends une minute.
Charlotte l’examina de plus près, se penchant sur les gonds.
— Elle s’ouvre de l’autre côté. Ce doit être tout
débroussaillé, pour qu’elle puisse pivoter. Essaie.
Emily poussa. La porte ne bougea pas.
Le cœur de Charlotte se serra. Elle était fermée à clé.
Tirant une épingle de sa chevelure, Emily l’introduisit dans
la serrure.
— Tu n’y arriveras pas.
Charlotte ne cachait pas sa déception.
Sans se préoccuper d’elle, Emily continua à tâtonner. Elle
sortit l’épingle, la redressa, la replia à une extrémité de sorte à former une
boucle et essaya de nouveau.
— Là, fit-elle avec satisfaction, appuyant doucement
sur le battant qui pivota sans bruit.
Charlotte n’en croyait pas ses yeux.
— Où as-tu appris ça ?
Emily eut un grand sourire.
— Ma gouvernante garde toujours les clés sur elle, même
quand elle va se coucher, et j’ai horreur de devoir faire appel à elle pour
accéder à ma propre armoire à linge. Je trouve cette astuce plutôt amusante, non ?
Allez, viens, on va voir ce qu’il y a de l’autre côté.
Elles franchirent la porte sur la pointe des pieds et la
refermèrent derrière elles. Au premier coup d’œil, ce fut décevant : juste
un grand pavillon planté au milieu de sentiers pavés séparés par de petits
compartiments d’herbes aromatiques. Elles en firent le tour, mais ne trouvèrent
rien d’autre.
Emily s’arrêta, dégoûtée.
— Pourquoi fermer la porte à clé, voyons ? s’enquit-elle,
irritée. Il n’y a rien ici.
Charlotte se pencha pour toucher une plante. Elle broya une
feuille entre ses doigts : celle-ci exhala une odeur amère et poivrée.
— Je me demande si ce n’est pas une drogue, fit-elle, songeuse.
— Sottises ! riposta Emily. L’opium provient du
pavot qu’on cultive en Turquie, en Chine et je ne sais où encore.
— Il en existe d’autres.
Charlotte ne désarmait pas.
— Il a une drôle de forme, ce jardin, je veux dire la
disposition des pierres. Cela a dû exiger un travail fou.
— Ce n’est qu’une étoile. Moi, je ne trouve pas ça très
beau. C’est assez inégal.
— Une étoile !
— Oui, les autres branches sont là, et derrière le
jardin d’hiver. Pourquoi ?
— Combien y en a-t-il en tout ?
Une idée
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