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Le Crime De Paragon Walk

Le Crime De Paragon Walk

Titel: Le Crime De Paragon Walk Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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mordit la lèvre, ennuyée.
    — C’est vrai, j’aurais dû la questionner au moment où c’est
arrivé, mais elle m’exaspérait tellement, et j’étais si contente que quelqu’un
lui ait flanqué la frousse, que je l’ai évitée délibérément. Je ne voulais pas
non plus flatter sa vanité. Elle trônait dans sa chaise longue, tu comprends, avec
ses sels, un coussin avec un dragon chinois dans son dos – c’est tante Vespasia
qui me l’a dit –, et un pichet entier de citronnade. Elle recevait les visites
comme une duchesse, et chacun avait droit à son histoire depuis le début. J’aurais
tout simplement été incapable de rester polie avec elle. J’aurais éclaté de
rire. Maintenant, je regrette de n’avoir pas su me maîtriser davantage.
    Charlotte était mal placée pour la critiquer. Sans répondre,
elle parcourut des yeux le jardin festonné de rosiers grimpants à la recherche
de Miss Lucinda. Elle était sûrement avec Miss Laetitia, et toutes deux
portaient toujours des couleurs identiques.
    — Là-bas !
    Emily lui effleura le bras, et elle se retourna. Cette fois,
elles avaient opté pour un bleu myosotis, beaucoup trop juvénile pour elles. Et
les touches de rose aggravaient encore le tableau : on eût dit une
confiserie qui aurait tourné au soleil.
    — Oh, Seigneur ! fit Charlotte entre ses dents, étouffant
un fou rire.
    — On n’a pas le choix, rétorqua Emily sévèrement. Allez,
viens !
    Côte à côte, elles se dirigèrent nonchalamment vers les demoiselles
Horbury, s’arrêtant en chemin pour complimenter Albertine Dilbridge sur sa robe
et saluer Selena.
    — Comment a-t-elle pris ça ? demanda Charlotte dès
qu’elles se furent éloignées.
    — Pris quoi ?
    Pour une fois, Emily était désarçonnée.
    — Hallam ! dit Charlotte impatiemment. Car c’est
plutôt une déception, non ? Etre assaillie dans un élan de passion incoercible
par Paul Alaric, c’est assez romanesque, tout en restant répugnant, mais se
faire malmener par Hallam Cayley, tellement soûl et malheureux qu’il ne savait
même pas ce qu’il faisait, au point de ne plus s’en souvenir après, voilà qui
est terrible.
    Elle s’immobilisa : toute trace de dérision avait
disparu de sa voix.
    — … et excessivement tragique.
    — Oh !
    Emily, visiblement, n’y avait pas pensé.
    — Je n’en sais rien.
    Mais son intérêt était éveillé, Charlotte s’en aperçut à son
expression.
    — Maintenant que j’y songe, elle s’arrange par tous les
moyens pour me fuir, depuis. Une fois ou deux, j’ai cru qu’elle allait me
parler, mais à la dernière minute elle se trouvait toujours une occupation plus
urgente.
    — D’après toi, elle savait depuis le début que c’était
Hallam ?
    Emily plissa le front.
    — J’essaie d’être juste.
    Selon toute apparence, cela lui demandait un effort.
    — Je ne sais que penser. À mon avis, aujourd’hui ça n’a
plus d’importance.
    Charlotte n’était pas satisfaite. Un petit doute la
tenaillait, une question restée en suspens. Elle se résolut cependant à l’abandonner
momentanément. Elles approchaient des demoiselles Horbury, et elle devait se
donner une contenance pour les interroger discrètement et avec élégance. Plaquant
un sourire attentionné sur son visage, elle se jeta à l’eau sans laisser à Emily
le temps de réagir.
    — Quel plaisir de vous revoir, Miss Horbury !
    Elle considéra Miss Lucinda d’un air impressionné.
    — Comme j’admire votre courage, après une aventure
aussi effrayante ! Je commence seulement à comprendre ce que vous avez
enduré. À force de mener une existence protégée, nous n’imaginons pas les
horreurs qui nous entourent… pourtant, si nous savions !
    Elle se reprocha son hypocrisie, d’autant plus vertement qu’elle
jubilait intérieurement.
    Miss Lucinda était trop empêtrée dans ses convictions pour
reconnaître un retournement complet de veste. Se rengorgeant de satisfaction, elle
fit penser à un pigeon ramier couleur pastel.
    — Voilà qui est finement observé, Mrs. Pitt, répondit-elle
d’un ton solennel. La plupart des gens ne se doutent pas des forces du mal qui
sont à l’œuvre, et tellement près de nous !
    — Tout à fait.
    L’espace d’un éclair, Charlotte sentit son aplomb la
déserter. Croisant le regard pâle de Miss Laetitia, elle se demanda s’il pétillait
de rire, ou si c’était juste un jeu de lumière. Elle prit une

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