Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
Vom Netzwerk:
complètement.
    Le chrisme que notre Éthiopien arborait sur son torse était précisément celui que l’empereur avait vu dans le ciel avant la bataille, avec une traverse horizontale, et c’était en soi un fait curieux et étrange puisqu’on avait cessé de l’utiliser depuis quatorze siècles, comme en témoigne le Père de l’Église saint Jean Chrysostome qui, dans ses écrits, affirme qu’à la fin du V e siècle ce symbole fut remplacé par la Croix authentique, exposée dès lors avec orgueil et prodigalité. Tout au long des périodes romane et gothique, le chrisme est réapparu comme motif ornemental, mais sous des formes différentes du simple monogramme de Constantin.
    Ce mystère résolu continuait cependant, comme le mot stavros, de nous plonger dans la plus grande perplexité. Chaque jour, le désir de résoudre cet embrouillamini, de comprendre ce que cet étrange cadavre voulait nous dire, devenait de plus en plus intense. Mais notre tâche consistait seulement à expliquer l’origine des signes, indépendamment de ce qu’ils voulaient dire. Aussi n’avions-nous pas d’autre choix que de la poursuivre sans sortir du sentier balisé, et d’éclaircir le sens des sept croix.
    Pourquoi ce chiffre, d’ailleurs ? Pourquoi étaient-elles toutes différentes ? Toutes encadrées dans des formes géométriques ? Honorées d’une petite couronne ? Nous n’y arriverons jamais, me disais-je parfois, découragée. C’était à la fois trop complexe et absurde. Je levais sans cesse les yeux des photos et des croquis pour les poser sur la silhouette en papier, au cas où la position des croix sur le corps me fournirait une piste. Mais je ne voyais rien qui puisse m’aider à résoudre l’énigme, aussi les baissais-je de nouveau pour me concentrer péniblement sur chacune d’elles.
    Glauser-Röist m’adressa à peine la parole pendant ces quelques jours. Il passait des heures devant son ordinateur, et je sentais naître en moi une rancœur absurde envers lui en le voyant perdre son temps de cette façon idiote, tandis que mon cerveau se transformait lentement en pâte à papier !
    Le dimanche 19 mars approchait à pas de géant. C’était le jour de la San Giuseppe, et je devais commencer à préparer mon voyage à Palerme. Je revenais rarement chez moi, à peine deux ou trois fois par an, mais, en bonne famille sicilienne, les Salina demeuraient indissolublement unis, pour le meilleur ou le pire, et même au-delà de la mort. Être l’avant-dernière de neuf enfants, d’où mon prénom Ottavia, « la huitième », avait comporté beaucoup d’avantages quant à l’apprentissage et l’usage des techniques de survie. Il y avait toujours un frère ou une sœur aînés prêts à vous torturer ou vous écraser sous le poids de leur autorité : vos affaires appartenaient au premier qui les prenait, votre espace était envahi par le premier qui arrivait, vos triomphes et vos défaites étaient toujours les triomphes et défaites de ceux qui vous avaient précédée, etc. Mais la solidarité entre les neufs enfants de Filippa et Giuseppe Salina était indestructible : en dépit de mon absence depuis vingt ans, de celle de Pierantonio, franciscain en Terre sainte, et de Lucia, dominicaine destinée à l’Angleterre, on comptait toujours sur nous pour organiser n’importe quelle fête familiale, acheter un cadeau à nos parents ou prendre part à toute décision collective affectant la famille.
    Le jeudi précédant mon départ, le capitaine Glauser-Röist revint de son déjeuner, dans les dépendances de la garde suisse, avec un étrange éclat dans ses yeux gris. Je poursuivais alors, têtue, la lecture d’un traité compliqué sur l’art chrétien des VII e et VIII e siècles, avec le vain espoir de trouver une allusion au dessin de certaines croix.
    — Excusez-moi de vous déranger, murmura-t-il, mais j’ai eu une idée…
    — Je vous écoute, répondis-je en éloignant de moi l’ennuyeux volume.
    — Nous devrions avoir un programme informatique qui permettrait de comparer les images des croix de l’Éthiopien avec les fichiers iconographiques des Archives et de la Bibliothèque.
    Je haussai les sourcils, étonnée.
    — On peut faire ce genre de choses ?
    — Le service informatique des Archives secrètes me paraît tout à fait qualifié.
    Je réfléchis quelques instants.
    — Je ne sais pas… Est-ce que ce n’est pas trop compliqué ? Une chose est de taper des

Weitere Kostenlose Bücher