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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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je me trouvais occupée à remuer quelques légumes dans la poêle comme si j’étais une experte. Et si je ne voulais pas… ?
    Ma mère sourit :
    — Tais-toi donc ! Comment ne le voudrais-tu pas ? plaisanta-t-elle, comme s’il était absolument inconcevable que je ne souhaite pas sortir me promener avec mon frère.
    — Et tant pis pour nous, hein, c’est ça ? protestèrent Giacoma, Lucia et Agueda à l’unisson.
    Pierantonio se dépêcha de jouer de son charme et alla les embrasser tour à tour. Puis il fit claquer ses doigts comme s’il appelait un serveur dans un bar.
    — Ottavia… Viens !
    Maria, une des cuisinières, me retira la poêle des mains. C’était un complot.
    — Je n’ai jamais vu, commençai-je à dire en retirant mon tablier et en le posant sur un banc, de moine franciscain aussi dépourvu d’humilité que le père Salina.
    — Custode, ma sœur, dit-il, custode de Terre sainte.
    — Et toujours aussi modeste, se moqua Giacoma en provoquant l’hilarité de l’assistance.
    Si j’avais regardé ma famille de l’extérieur, en simple spectatrice, j’aurais certainement été frappée par l’adoration que toutes les Salina vouaient à Pierantonio. Personne n’eut jamais une ligue d’adulatrices aussi ferventes et soumises. Les moindres désirs de mon frère étaient exécutés avec le fanatisme propre aux bacchantes grecques et lui, parfaitement conscient de la situation, en profitait comme un enfant qui se prendrait pour un Dionysos capricieux. La faute en revenait à ma mère, qui nous avait transmis comme un virus l’idolâtrie aveugle qu’elle vouait à son fils préféré. Comment ne pas accorder à ce petit dieu son caprice si en échange il nous offrait ses baisers et caresses… alors que c’était si simple de le rendre heureux ?
    Le dieu en question me prit par la taille et nous sortîmes dans la cour de derrière pour nous diriger vers le jardin.
    — Alors ? Raconte-moi tout ! s’exclama-t-il une fois arrivés à destination.
    — Non, raconte, toi, répondis-je en le regardant. (Ses tempes s’étaient dégarnies et ses sourcils broussailleux lui donnaient un air sauvage.) Comment se fait-il qu’un homme aussi important que le custode quitte son poste au moment précis où le pape s’apprête à fouler le sol de Jérusalem ?
    — Bon sang ! Tu tires pour tuer, toi ! dit-il en riant et en passant un bras autour de mes épaules.
    — Je suis ravie que tu aies pu venir, lui expliquai-je, tu le sais, mais je suis un peu étonnée, c’est tout. Je te rappelle que demain le pape s’embarque pour tes terres.
    Il leva les yeux au ciel d’un air distrait, comme si l’affaire n’avait aucune importance, mais je le connaissais bien, je savais que ce geste signifiait tout le contraire.
    — Tu sais… Les choses ne sont jamais tout à fait comme elles devraient l’être.
    — Écoute, Pierantonio, tu peux peut-être tromper tes moines, mais pas moi.
    Il sourit sans baisser les yeux.
    — Alors, tu me le dis, oui, pourquoi tu es parti avant l’arrivée du pape ? insistai-je avant qu’il ne commence à me parler de la beauté des étoiles.
    Le petit dieu reprit son expression espiègle.
    — Je ne peux pas raconter à une religieuse qui travaille au Vatican les problèmes que l’ordre franciscain a avec les hauts prélats de Rome.
    — Tu sais parfaitement que je passe ma vie enfermée dans mon bureau. À qui pourrais-je parler de ces problèmes ?
    — Au pape… ?
    — C’est ça ! dis-je en m’arrêtant net.
    — Au cardinal Ratzinger…, chantonna-t-il. Au cardinal Sodano ?
    — Allez, Pierantonio, ça suffit !
    Mais il avait dû remarquer quelque chose sur mon visage quand il avait mentionné le secrétaire d’État, car il écarquilla soudain les yeux :
    — Ottavia… Tu connais Sodano ?
    — On me l’a présenté il y a quelques semaines, reconnus-je sur un ton évasif.
    Il me prit le menton, leva mon visage vers le sien et colla son nez au mien.
    — Ottavia, ma petite Ottavia… Pourquoi fréquentes-tu, toi, Angelo Sodano ? Il doit y avoir là-dessous quelque chose de très intéressant que tu ne veux pas me raconter.
    Comme c’est dangereux de se connaître si bien, pensai-je à cet instant, et d’être l’avant-dernière d’une famille remplie d’aînés expérimentés en manipulations et abus.
    — Toi non plus, tu ne m’as pas raconté les problèmes des franciscains avec le pape, et pourtant je te

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