Le Dernier Caton
a un mois exactement. Depuis, le monde extérieur ne sait rien de vous. Selon nos informations, la nécropole de Kom el-Shoqafa a été fouillée par la police égyptienne, qui n’a rien trouvé, naturellement. Mais l’Église compte bientôt envoyer de nouveaux enquêteurs, qui utiliseront les informations que Kaspar, Ottavia et Farag ont données. Ce sera une tentative inutile, mais ce que vous avez fait nous oblige à interrompre les épreuves des candidats, jusqu’à ce que nous puissions les reprendre en toute sécurité.
— Pourquoi ne pas les changer simplement ou les supprimer ? dit une voix derrière nous.
— Il faut respecter les traditions, Sisygambis, dit Caton en levant la tête.
— Donc, durant les quinze prochaines années, il n’y aura pas d’épreuves, continua Teodros. Nous avons déjà envoyé des messages pour que nos frères de l’extérieur effacent toute trace et soient prêts à subir d’éventuels interrogatoires. Les portes du Paradeisos ont été scellées. Il ne manque que le subterfuge que doivent utiliser Farag et Ottavia pour retourner à l’extérieur, mais je passe la parole à Shakeb.
Le jeune homme se leva à son tour en ramassant les plis de sa tunique d’un geste élégant :
— Ottavia, Farag, dit-il en s’adressant directement à nous.
En dépit de son visage rond, il était très beau, avec de grands yeux noirs vifs et expressifs.
— Quand vous reviendrez à Alexandrie, un mois et demi se sera écoulé depuis votre disparition. Il vous faudra donc expliquer où vous êtes allés, ce que vous avez fait, et bien sûr ce qu’il est advenu du capitaine.
Le sentiment d’attente était palpable dans la salle. Tous avaient envie de découvrir quel mensonge nous allions trouver pour sauvegarder leur monde.
— Nos frères d’Alexandrie ont commencé à creuser un faux tunnel dans les catacombes, qui se termine dans une partie éloignée du lac Mareotis, près de l’ancienne Caesarium. Vous direz que vous avez été kidnappés au troisième niveau de Kom el-Shoqafa, que l’on vous a assommés et que vous avez perdu connaissance, mais qu’auparavant vous avez pu voir l’accès au tunnel. Nous vous donnerons une carte toute simple qui vous aidera à le situer. Vous direz que vous vous êtes réveillés dans un endroit appelé Farafrah – c’est le nom d’une oasis, dans le désert égyptien, d’accès très difficile. Vous direz que le capitaine ne s’est pas réveillé, que vos ravisseurs ont dit qu’il était mort pendant qu’on le scarifiait, mais que l’on ne vous a pas permis de voir son cadavre. Nous laissons ainsi la voie ouverte à son éventuel retour dans quelques mois. Vous décrirez l’endroit comme s’il s’agissait du village d’Antioch, ainsi vous ne vous contredirez pas. Et vous créerez, par la même occasion, une grande confusion, car l’oasis ne lui ressemble pas du tout. Ne donnez pas de noms, seulement celui du Bédouin qui vous apportait à manger : Bahari, un prénom très commun. Après avoir été retenus dans une cellule par ces méchants stavrophilakes (des rires saluèrent cette remarque) qui menaçaient de vous tuer, on vous a assommés de nouveau et abandonnés près de la bouche du tunnel du lac de Mareotis. Bien sûr, vous ne voulez plus continuer l’enquête et, quand les interrogatoires seront finis, vous chercherez un lieu discret pour vivre, loin de Rome ou, mieux encore, de l’Italie, et vous disparaîtrez. Nous vous surveillerons de près pour qu’il ne vous arrive rien.
— Nous allons devoir chercher du travail…, dis-je.
— Précisément, intervint alors Caton. Nous souhaitons vous faire un cadeau.
Le capitaine nous regarda avec un sourire mystérieux.
— J’ai dit auparavant qu’il faut respecter les traditions, c’est vrai, mais il faut parfois savoir renoncer à elles ou les changer. Au cours des épreuves des sept péchés capitaux, vous, Ottavia et Farag, comme vos prédécesseurs, avez changé le cours de votre vie de manière définitive et irréversible. Votre travail, votre pays, vos engagements religieux, vos croyances, vos formes de pensée… tout a éclaté pour vous permettre de parvenir jusqu’ici. Il ne vous reste rien dehors, mais vous êtes disposés à y retourner pour construire la vie que vous souhaitez avoir désormais. Farag pourrait encore récupérer son travail, mais pas Ottavia, qui n’a plus la possibilité de fouler le sol du Vatican. Elle a
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