Le Dernier Caton
couverte de sueur et le cœur prêt à se rompre, je compris que dans ce lit il n’y avait pas que Farag et moi, mais aussi tous les faux tabous, hypocrisies et préjugés ridicules que l’on m’avait inculqués. Ce fut une pensée fugace, mais si importante… Nue, je m’agenouillai et contemplai Farag qui, fatigué et heureux, m’observait avec curiosité.
— Tu sais ce que je pense, Farag ?
— Non, répliqua-t-il avec un petit rire. Mais je m’attends à tout.
— Faire l’amour est la chose la plus merveilleuse au monde, déclarai-je d’un ton convaincu.
Il rit tranquillement.
— Je suis heureux que tu l’aies découvert, murmura-t-il en me prenant les mains et en m’attirant à lui, mais je m’échappai et, en m’asseyant sur ses jambes, caressai son torse.
Que m’avait dit Glauser-Röist déjà, au début de notre enquête, sur le pouvoir érotique des scarifications dans certaines tribus primitives d’Afrique et leur fonction de séduction parmi la jeunesse actuelle ? En passant le bout des doigts sur les lignes gravées dans le corps de Farag, je me dis que c’était sans doute possible, en effet, qu’il y avait du vrai là-dedans…
— Tu sais que je ne conçois plus la vie sans toi ? C’est certainement très ridicule, mais c’est la vérité.
— Tant mieux, parce que moi non plus.
Il était si beau, nu !
— Tu sais combien je t’aime ? dis-je en me penchant de nouveau pour l’embrasser.
— Et toi ?
— Non, dis-le-moi encore.
Il se redressa et, en me prenant par la taille, m’embrassa de nouveau jusqu’à ce que le désir renaisse, aussi puissant qu’au début. La magie opéra, nos corps s’unirent avec la même intensité renouvelée. La nuit se fit courte et l’aube nous trouva encore éveillés…
Nous ne passâmes que deux semaines au Paradeisos, mais nous accumulâmes un retard de sommeil pour les deux mois suivants.
Le treizième jour de notre passage dans la ville des stavrophilakes, de retour d’une visite d’Eden et de Crucis, nous fumes appelés au Basileion de Caton pour recevoir les instructions avant notre départ. Les préparatifs avaient été faits par une commission de shasta, à laquelle avait participé le capitaine quand ses chères cultures hydroponiques, et la belle Khutenptah, lui en laissaient le temps.
Nous traversâmes des couloirs que nous n’avions jamais franchis pour arriver dans une énorme salle rectangulaire au plafond très haut où nous attendaient les shasta, divisés en deux files de chaque côté de la pièce. Devant, se trouvait Caton, qui s’appuyait comme toujours sur sa mince canne. Son regard était rempli de satisfaction et d’orgueil.
— Approchez, approchez, dit-il en nous voyant hésiter sur le seuil de la porte. Nous avons terminé d’organiser les derniers détails. Kaspar, assieds-toi ici, à côté de moi, et vous, Ottavia et Farag, prenez ces sièges que nous avons placés au centre.
Le capitaine s’exécuta immédiatement en ramassant sa tunique comme un véritable stavrophilake. C’était merveilleux de voir à quel point l’ancien capitaine des gardes suisses s’était intégré à la communauté du Paradeisos. Il assimilait tout à une telle vitesse qu’il pourrait bientôt passer pour l’un d’entre eux. J’avais dit à Farag que l’influence de Khutenptah n’était pas étrangère à ce phénomène, mais lui, têtu comme une mule, continuait à prétendre que, en réalité, il effaçait le passé et s’inventait un futur, c’est-à-dire une nouvelle vie. En tout cas, il s’occupait des cultures et participait à l’enseignement des classes primaires.
— Vous partirez d’ici demain matin à la première heure, commença à nous expliquer Caton. De cette façon, vous découvrirez l’emplacement exact du Paradeisos , ajouta-t-il avec un sourire. Un groupe d’Anuak vous attendra et vous conduira jusqu’à Antioch où vous embarquerez avec le capitaine Mariam pour parcourir en sens inverse le chemin que vous avez suivi jusqu’ici. Mariam remontera le Nil vers le delta et vous laissera dans un lieu sûr, près d’Alexandrie. À partir de là, vous ne devrez jamais mentionner ce lieu, sauf entre vous, mais jamais en présence d’autres personnes. À toi, Teodros.
Celui-ci, assis dans la première file de gauche, se leva :
— Le dernier contact de nos nouveaux stavrophilakes avec les Églises chrétiennes s’est produit à Alexandrie le 1 er juin, il y
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