Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
Vom Netzwerk:
tu ne crois pas ?
    — Je ne vois pas pourquoi, dis-je, un peu vexée.
    — Parce que la vraie Croix a disparu, voyons ! À moins que tu n’aies oublié tes cours d’histoire. On n’a jamais su ce qu’il était advenu d’elle.
    Farag avait raison, bien sûr. Mais j’étais si fatiguée que mon cerveau ressemblait à du jus de neurones. La vraie Croix avait en effet mystérieusement disparu lors de la sixième et avant-dernière croisade, au XIII e siècle. Caton donnait sa version des faits, évidemment plus partiale. Selon lui, tandis que le régiment de l’empereur germanique Frédéric II faisait le siège du port de Damiette dans le delta du Nil, le sultan Al Kamil offrit de rendre la Croix si les chrétiens quittaient l’Égypte. Peu de temps avant, après avoir couru de grands dangers, le stavrophilake Dionysios de Dara, un des cinq frères qui, trente-deux ans auparavant, s’était infiltré dans l’armée de Saladin, avait été nommé trésorier par le sultan. Il était tellement habité par son rôle de dignitaire mamelouk que la nuit où il se présenta dans l’humble demeure de Nicéphore Panteugenos, avec un grand paquet dans les mains, ce dernier ne le reconnut pas. Tous deux se prosternèrent devant la relique de la Croix, et pleurèrent longuement de joie avant d’aller chercher leurs trois autres compagnons. Aux premières lueurs de l’aube, nos cinq hommes, déguisés, partaient vers Sainte-Catherine où ils demeurèrent cachés jusqu’à l’arrivée de Caton, accompagné d’un groupe important de frères. C’est alors qu’il écrivit son heureuse chronique à la fin de laquelle il annonce que la confrérie va se retirer pour toujours dans le Paradis terrestre enfin trouvé par les frères chargés de cette mission.
    — Mais il n’indique pas le lieu ! protestai-je en tournant les feuilles en vain.
    — Continue à lire jusqu’au bout.
    — Il ne le dira pas, tu vas voir !
    J’avais raison. Caton ne disait rien permettant de localiser ce Paradis terrestre. Il mentionnait seulement qu’il se trouvait dans un pays très lointain et qu’après s’être préparé pour ce long voyage, il devait terminer son récit parce que le départ était imminent. Il laissait le manuscrit aux bons soins des moines de Sainte-Catherine – il était déjà resté pendant presque neuf siècles dans sa bibliothèque – et annonçait, non sans regrets, qu’il ne continuerait plus à y écrire l’histoire de la confrérie. « Mes successeurs le feront dans notre nouveau refuge. Là, nous protégerons ce que la convoitise des hommes a laissé de la sainte Croix. Notre destin est scellé. Que Dieu nous protège. »
    — Et voilà ! dis-je en laissant tomber le feuillet, découragée.
    Farag et moi, aussi immobiles que des statues de sel, gardâmes le silence pendant un bon moment, incapables de croire que l’histoire se termine ainsi, et que nous ayons aussi peu avancé. Là où se trouvait le Paradis terrestre, se trouvaient également les reliques récemment volées dans les églises chrétiennes. Et nous avions beau avoir découvert l’identité des voleurs, cela ne nous avançait guère.
    Des mois d’enquête, tous les services des Archives secrètes et de la Bibliothèque vaticane mobilisés, des heures et des heures enfermés dans l’Hypogée avec tout le personnel à notre service… Et tous ces efforts avaient à peine servi !
    Je poussai un profond soupir en laissant tomber ma tête d’un coup jusqu’à appuyer le menton contre la poitrine. Mes cervicales craquèrent comme des bouts de bois.
     
    Depuis le début de toute cette histoire, je n’avais pas réussi à passer une seule bonne nuit dans ma chambre de la Domus. Quand ce n’était pas de l’insomnie pure, c’était un bruit infime qui me réveillait : le petit réfrigérateur, les meubles qui craquaient, la pendule sur le mur, le vent dans les persiennes… Ou de longs rêves épuisants dans lesquels m’arrivaient les choses les plus étranges. Ce n’étaient pas des cauchemars à proprement parler, mais j’avais souvent peur, comme dans celui que je fis cette nuit-là : je me voyais en train d’avancer sur une immense avenue en travaux, pleine de dangereux fossés que je devais franchir sur des planches vermoulues ou en m’accrochant à des cordes.
    Après la frustrante fin de notre lecture, et sans savoir ce qu’était devenu le capitaine, Farag et moi nous rendîmes à la Domus, dînâmes et

Weitere Kostenlose Bücher