Le Dernier Caton
factions chrétiennes, la Terre sainte se retrouvait de nouveau sur le pied de guerre. Au printemps 1097, quatre grandes armées de croisés se regroupèrent à Constantinople avec l’intention d’avancer jusqu’à Jérusalem et de libérer les Lieux saints de la domination musulmane.
De nouveau, un groupe de négociateurs de la confrérie abandonna subrepticement la ville pour se diriger à la rencontre des nombreuses troupes conduites par Godefroy de Bouillon. Ils les trouvèrent deux mois plus tard, alors qu’elles faisaient le siège d’Antioche après voir vaincu les troupes turques à Nicée et Dorilée. Mais Godefroy de Bouillon refusa le pacte qui lui était proposé. La vraie Croix était l’objectif de cette croisade, d’ailleurs chaque soldat en portait le symbole sur ses vêtements, et il n’était pas disposé à y renoncer, pas même en échange de trésors orthodoxes ou musulmans. Il mit en garde les émissaires : puisqu’ils n’avaient pas voulu s’unir à l’Église de Rome, il les considérerait désormais comme excommuniés et comptait dissoudre la confrérie.
Les négociateurs revinrent à Jérusalem porteurs de ces mauvaises nouvelles, qui causèrent un véritable désespoir parmi les gardiens de la Croix. Caton convoqua alors une assemblée générale, le 3 juillet au soir, dans la basilique du Saint-Sépulcre, pour annoncer à tous les membres présents les deux dangers qui les menaçaient. Il décida, avec leur accord, de cacher la relique et de passer à la clandestinité. Ce fut la fin de l’existence publique de la confrérie.
Un an plus tard, après un mois de siège et avec l’aide de machines de guerre, les croisés prirent Jérusalem, massacrant toute la population. Le sang coulait dans les rues au point que les chevaux se cabraient, effrayés, empêchant les soldats d’avancer. Au beau milieu de cette boucherie, Godefroy de Bouillon se dirigea vers la basilique pour s’emparer de la Croix, sans réussir à la trouver. Il donna alors l’ordre d’arrêter les stavrophilakes. Mais, bien sûr, on n’en dénicha aucun. Il soumit à la torture des prêtres orthodoxes qui avouèrent que trois membres de la confrérie se camouflaient parmi eux, trois jeunes moines, Agapios, Elijah et Théophane, qui étaient restés à Jérusalem pour surveiller la relique. On les tortura en les fouettant, en les soumettant au feu, avant de les démembrer. Théophane, le plus faible, ne put résister. Les bras et les jambes attachés aux cordes tirées par les chevaux, il cria au dernier moment que la Croix était cachée sous la basilique, dans une crypte secrète. Au bord de l’évanouissement, traîné par les soldats, il leur montra l’endroit. On l’abandonna à son destin dans une ruelle où il fut poignardé par des mains inconnues.
La vraie Croix devint alors la relique la plus importante des croisés. Ils l’emmenaient dans toutes leurs batailles. On la montrait aux soldats avant les combats, et pendant plus de cent ans, grâce au bois du Christ, ils ne furent jamais vaincus. De nombreux Ligna Crucis furent offerts à des rois, des papes, des monastères ou des familles nobles. La Croix fut découpée et répartie comme les parts d’un gâteau, car, là où arrivait l’un de ces bouts de bois, affluait immédiatement la richesse sous forme de pèlerins et de dévots. Les stavrophilakes regardèrent de loin ce découpage sacrilège, sans pouvoir intervenir pour l’empêcher. Leur colère devint rancœur et ressentiment aveugle. Ils jurèrent de récupérer ce qu’il restait de la vraie Croix, à n’importe quel prix. Mais l’heure n’était pas encore venue d’agir.
Selon la chronique du soixante-douzième Caton, quelques frères s’infiltrèrent parmi les croisés pour pouvoir surveiller la Croix. Leur crainte était qu’elle ne tombât aux mains des musulmans pendant une bataille, car Arabes et Turcs connaissaient parfaitement sa signification pour les chrétiens : en la leur enlevant, ils affaibliraient leurs conquêtes. À cette époque, vers 1150, d’autres membres de la confrérie se dirigèrent vers les principales villes d’Orient et d’Occident. Leur plan était d’établir des relations avec des gens influents et puissants, de manière à les convaincre d’œuvrer pour la confrérie, ou même d’exiger le retour de la relique. Au fil du temps, ils finirent par établir des contacts avec certaines des nombreuses organisations et ordres religieux de
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