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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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que je vomis dans la cour de l’écurie. Je bus de nouveau,
dormis fort mal, fus réveillé par la pluie qui battait le toit de l’écurie et
retournai vomir.
    — Pourquoi ne partons-nous pas en Mercie ?
proposai-je à Leofric.
    Le roi nous avait prêté des chevaux et cela m’était bien
égal de les lui voler.
    — Ne sois point sot, Bout-de-Cul. Nous voulons la
flotte. Et si tu n’épouses point la laide truie, je ne pourrai la commander.
    — C’est moi qui la commanderai.
    — Mais seulement si tu te maries.
    À ce moment, le père Willibald arriva. Il avait dormi dans le
monastère voisin et était venu s’assurer que j’étais prêt.
    — Quelle est cette marque sur ton front ?
demanda-t-il, l’air alarmé en voyant mon état.
    — Un maraud m’a frappé hier soir, dis-je. J’étais ivre.
Lui aussi, mais moi davantage. Suivez mon conseil, mon père. Ne vous battez
jamais quand vous êtes saoul.
    Je bus encore de l’ale au petit déjeuner. Willibald tint à
ce que je porte ma plus belle tunique : cela ne voulait pas dire
grand-chose, car elle était tachée, froissée et déchirée. J’aurais préféré porter
ma cotte de mailles, mais Willibald déclara que cela ne convenait pas pour une
église. Sans doute avait-il raison, et je le laissai l’épousseter et tenter
d’en ôter les taches. Je nouai mes cheveux d’un lien du cuir, ceignis
Souffle-de-Serpent et Dard-de-Guêpe. Là encore, Willibald déclara que je ne
devais point les porter en un lieu saint, mais je tins à les prendre et c’est
en homme accablé que je me rendis à la cathédrale en sa compagnie et celle de
Leofric.
    Il pleuvait comme si les cieux se vidaient. La pluie
éclaboussait les rues, ruisselait dans les caniveaux et gouttait par le toit de
chaume de la cathédrale. Un vif vent froid soufflait de l’est et s’insinuait
dans la moindre fente des parois de bois, faisant vaciller les chandelles dont
certaines s’éteignirent. L’évêque était déjà là et deux autres prêtres
arrangeaient soigneusement les chandelles sur l’autel, puis l’ealdorman Odda
arriva avec ma future épouse.
    Qui me jeta un regard et éclata en sanglots.
    À quoi m’attendais-je ? À une femme qui avait l’air
d’une truie, sans doute. À une femme au visage vérolé, l’air aigri et aux
hanches de génisse. Mon rôle était de prendre sa terre, de la travailler et de
faire fortune. Le sien, de me donner des fils et de s’assurer qu’il y ait
toujours de l’ale et à manger sur ma table. Tel est le saint sacrement du
mariage.
    Je ne voulais pas l’épouser. De droit, en tant qu’ealdorman
de Northumbrie, je méritais une fille de la noblesse, une fille qui
m’apporterait bien plus de terres qu’une douzaine d’arpents dans le Defnascir,
mais il était évident que cela n’arriverait point. Aussi épousai-je une fille
de basse extraction qui serait appelée dame Mildrith. Au moins aurait-elle pu
exprimer quelque gratitude pour cela, mais elle préféra pleurer et tenter
d’échapper à l’ealdorman Odda.
    Il devait compatir, mais le prix ayant été payé, elle fut
menée à l’autel, et l’évêque, qui revenait de Cippanhamm avec la goutte au nez,
nous consacra mari et femme.
    — Que votre union soit bénie par le Père, le Fils et le
Saint-Esprit.
    Au lieu de dire amen, il éternua violemment.
    — Amen, ponctua Willibald.
    Personne ne pipa mot.
    Et c’est ainsi que Mildrith devint mienne.
     
    Odda le Jeune nous regarda quitter l’église, pensant sans doute
que je ne le voyais pas, mais je le remarquai. Je savais pourquoi il nous
observait.
    Car en vérité Mildrith était désirable. Ce mot ne lui rend
point justice, mais il est si difficile de se rappeler un visage d’un passé si
lointain. Parfois, en rêve, je la vois, et elle me paraît réelle, mais quand je
me réveille et que je tente d’évoquer son visage, j’en suis incapable. Je me
souviens qu’elle avait la peau claire et limpide, une moue un peu boudeuse, des
yeux fort bleus et des cheveux du même or que les miens. Elle était grande, et
cela lui déplaisait, car elle ne trouvait pas cela très féminin, et avait une
expression inquiète, comme si elle craignait constamment un désastre. Cela peut
être fort séduisant chez une femme et j’avoue que je la trouvai séduisante.
Cela me surprit, cela m’étonna, même, car une telle femme aurait dû être mariée
depuis longtemps. Elle avait presque dix-sept ans et, à cet âge, la

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