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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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plupart
avaient déjà donné naissance à trois ou quatre enfants ou étaient mortes en
couches, mais tandis que nous nous dirigions vers ses terres situées à l’ouest
de l’embouchure de l’Uisc, j’en appris davantage sur elle. Elle voyageait dans
un chariot tiré par deux bœufs que Willibald avait tenu à couronner de fleurs.
Leofric, Willibald et moi chevauchions à côté. Willibald la questionnait et
elle répondait assez volontiers, car c’était un prêtre et il se montrait fort
doux.
    Les ennuis, expliqua Mildrith, avaient commencé lorsque son
père avait consacré un dixième de ses biens en terre d’église. Son père avait
fait ce don parce que tous ses enfants étaient morts hormis Mildrith, et qu’il
voulait s’attirer les faveurs de Dieu. Je soupçonnai qu’il cherchait plutôt à
s’attirer celles d’Alfred. Cependant, les Danes étaient venus, le bétail avait
été massacré, une récolte détruite, et l’église avait assigné son père en
justice, car la terre n’avait rien produit. En Wessex, je l’appris, tous les
magistrats étaient des prêtres, du premier au dernier. En d’autres termes, la
loi était l’église, et lorsque le père de Mildrith mourut, la loi décréta qu’il
devait à l’église une importante somme, bien au-delà de ses capacités. Alfred,
qui avait pouvoir d’annuler une dette, s’y refusa. En conséquence, tout homme
qui épousait Mildrith épousait sa dette, et personne n’avait voulu se charger
de ce fardeau jusqu’au jour où quelque sot de Northumbrie était tombé dans le
piège comme un ivrogne dévale une colline.
    Leofric riait. Willibald semblait soucieux.
    — Quelle est cette dette ? demanda-t-il.
    — Deux mille shillings, mon père, murmura Mildrith
d’une toute petite voix.
    Leofric faillit s’étrangler de rire. Je l’aurais volontiers
égorgé.
    — Et elle augmente annuellement ? demanda finement
Willibald.
    — Oui, dit-elle en refusant de croiser mon regard.
    Un homme sensé se serait renseigné sur la situation de
Mildrith avant de l’épouser, mais j’avais considéré ce mariage comme le sésame
de la flotte. Désormais, j’avais la flotte, les dettes et la donzelle, ainsi
qu’un nouvel ennemi, Odda le Jeune, qui convoitait clairement Mildrith.
    En vérité, Mildrith n’était comme moi qu’un pion sur
l’échiquier d’Alfred. Et moi qui croyais avoir été malin lors de notre
conversation au château de Cippanhamm. En vérité, j’aurais pu prier Thor à voix
haute avant d’aller pisser sur les reliques de l’autel, et Alfred m’aurait tout
de même donné la flotte, car son seul but était de me retenir prisonnier pour
servir ses ambitions futures en Northumbrie. J’étais donc pris au piège, et ce
coquin d’Odda m’avait gentiment laissé m’y jeter.
    Cela me rappela autre chose :
    — Combien Odda t’a-t-il donné en dot ? demandai-je
à Mildrith.
    — Quinze shillings, mon seigneur.
    — Quel misérable !
    — Récupère le reste à la pointe de l’épée, gronda
Leofric.
    Deux yeux bleus le contemplèrent un instant et se posèrent vers
moi avant de disparaître à nouveau sous leur voile.
    Ses douze arpents de terre, qui étaient désormais miens,
s’étendaient sur les collines au-dessus de l’embouchure de l’Uisc, en un lieu
nommé Oxton. Le toit de chaume était tellement couvert de mousse et d’herbes
qu’on eût dit un tas de terre. Il n’y avait nul château, comme un aristocrate
se doit de posséder pour y nourrir son entourage, mais il y avait une étable,
une porcherie et des terres assez vastes pour nourrir seize serfs et cinq
familles de fermiers. Ils furent tous mandés pour m’accueillir ainsi qu’une
demi-douzaine de serviteurs, pour la plupart des serfs. Tous furent heureux de
revoir Mildrith, car, depuis la mort de son père, elle demeurait avec l’épouse
d’Odda, tandis que sa ferme était dirigée par un certain Oswald, qui semblait
aussi digne de confiance qu’une fouine.
    Le soir venu, nous dînâmes de pois, poireaux, pain rassis et
ale aigre, et ce fut mon premier festin de mariage dans ma propre maison,
laquelle était sous la menace de la dette. Le lendemain matin, la pluie avait
cessé, et je déjeunai de nouveau de pain rassis et d’ale aigre. Après quoi, je
montai avec Mildrith au sommet d’une colline d’où je pus contempler la vaste
embouchure qui creusait la terre comme une lame de hache.
    — Où vont ces gens, lorsque arrivent les

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