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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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mais personne ne le contredit pour
autant.) Les navires qui ont déjà passé le pont mèneront leurs équipages en
amont et le reste de l’armée suivra à pied ou à cheval.
    — Mes navires doivent remonter la rivière, dit Guthrum.
    — Ont-ils passé le pont ?
    — Ils remonteront tout de même la rivière, répéta
Guthrum, nous apprenant ainsi qu’ils étaient toujours en aval du pont.
    — Il vaudrait mieux que nous partions demain, dit
Ragnar.
    Plus nous attendrions, plus nos précieuses réserves de
vivres diminueraient.
    — Mes navires remonteront la rivière, insista Guthrum
d’un ton égal.
    — Il craint de ne pouvoir charger sa part de butin sur
des chevaux, me chuchota Ravn. Il veut disposer de ses navires pour les remplir
de trésors.
    — Pourquoi le laisse-t-on venir ? m’étonnai-je.
    À l’évidence, personne n’aimait Guthrum et son arrivée
semblait aussi malvenue qu’encombrante, mais Ravn ne répondit point. Je n’en ai
toujours pas compris la raison, ni pourquoi Ivar et Ubba ne se joignaient pas à
l’attaque du Wessex. Tels étaient les Danes.
    Il fallut deux jours aux navires de Guthrum pour passer le
pont. Ils étaient fort beaux, ces navires, plus grands que la plupart des
vaisseaux danes, avec leurs proues et poupes décorées de têtes de serpent peintes
en noir. Ses hommes, très nombreux, étaient tous vêtus de noir. Même leurs
boucliers l’étaient, et je devais reconnaître que les troupes de Guthrum
étaient impressionnantes. Nous avions peut-être perdu deux jours mais y avions
gagné ses noirs guerriers.
    Et qu’y avait-il à craindre ? Le Wessex tout entier
était là devant nous et l’on s’accordait à dire que c’était terre plus riche
que toute autre, rivale de la Franquie en fait de trésors, et peuplée de moines
et de nonnes aux couvents et monastères débordant d’or et d’argent, attendant
seulement qu’on les massacre. Aussi partîmes-nous en guerre.
    Des navires sur la Temse. Des navires glissant le long des
fragiles roseaux, des saules et aulnes dépouillés. Des rames scintillant dans
le pâle soleil. Les proues de nos vaisseaux arboraient leurs têtes de monstres
pour dompter les esprits des terres que nous envahissions, ces terres grasses
aux champs fertiles, pourtant tous déserts. Durant ce bref voyage, il régna
presque une atmosphère de fête, que n’assombrit point la présence des noirs
vaisseaux de Guthrum. Les hommes dansaient sur les rames, tout comme jadis
Ragnar en cette journée éloignée où ses trois navires étaient apparus au large
de Bebbanburg. Je m’y essayai moi-même et tombai à l’eau sous les acclamations.
L’eau était si froide que Ragnar me fit ôter mes vêtements trempés et revêtir
une cape en peau d’ours pour me réchauffer. Les hommes chantaient, les navires
remontaient vaillamment le courant, les lointaines collines se rapprochaient
lentement de la rivière… Le soir venu, nous vîmes se dessiner sur l’horizon le
premier cavalier qui nous observait.
    Nous atteignîmes Readingum au crépuscule. Les trois navires
de Ragnar étaient chargés de pelles, presque toutes forgées par Ealdwulf :
notre première tâche consista en l’édification d’un mur. À mesure qu’arrivaient
les autres navires, d’autres hommes nous aidèrent. À la tombée de la nuit,
notre camp fut protégé par un long mur de terre mal remblayé qui n’aurait guère
fait obstacle à l’attaquant : ce n’était tout au plus qu’un talus facile à
franchir, mais aucune armée du Wessex n’apparaissant le lendemain matin, nous
eûmes le temps de le surélever et de le rendre plus redoutable.
    Comme Readingum était construite au confluent de la Kenet et
de la Temse, notre mur s’élevait entre les deux rivières. Il ceignait la petite
ville, abandonnée par ses habitants, et abritait la plupart de nos équipages.
L’armée de terre n’était toujours pas arrivée, et nous avions achevé notre
rempart lorsqu’elle nous rejoignit.
    Le mur était élevé, à présent, et nous allâmes couper des
arbres dans les épaisses forêts qui se dressaient au sud, afin de le couronner
d’une palissade sur les huit cents toises de toute sa longueur. Nous creusâmes
à ses pieds un fossé que nous inondâmes de l’eau des deux rivières, puis
érigeâmes quatre ponts, chacun gardé par un fort de bois. Ce fut notre camp,
car, avec tous les hommes et chevaux que nous comptions désormais, nous
risquions la famine si nous

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