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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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grise
journée et une méchante pluie cinglait la rivière, mais la ville me semblait
briller d’une lumière enchanteresse.
    C’étaient en réalité deux villes bâties chacune sur leur
colline. La première, à l’est, était celle que les Romains avaient édifiée.
Elle foisonnait de bâtiments de pierre et était ceinte d’un rempart, un
véritable mur fait de pierres, entouré d’un fossé. Celui-ci était envahi par
les ordures, et le mur par endroits brisé avait été réparé avec du bois.
C’était ainsi dans toute la ville : aux immenses bâtiments romains
s’adossaient des cabanes de bois et de chaume où habitaient quelques Merciens.
Cependant la plupart répugnaient à demeurer dans la vieille ville, comme s’ils
craignaient les fantômes des Romains, et vivaient en dehors des murs, dans la
nouvelle cité de bois et de chaume qui s’étendait vers l’est.
    La vieille ville avait autrefois des quais ; mais ils
s’étaient effondrés depuis et les bords de la rivière, à l’est du pont, étaient
couverts d’un enchevêtrement de piliers pourris et de jetées brisées qui se
dressaient dans la rivière comme chicots. Je n’avais jamais vu rive plus
pestilentielle, autant jonchée de carcasses, ordures, déchets et squelettes
visqueux de navires abandonnés où piaillaient des mouettes, mais c’est là que
devaient s’ancrer nos navires, après être passés sous le pont.
    Les dieux seuls savent comment les Romains ont été capables
de bâtir un tel ouvrage… En cet an 871, il était rompu et on ne pouvait le
prendre en son entier. Deux des arches du milieu s’étaient effondrées depuis
longtemps, mais les anciennes jetées romaines qui soutenaient la voie disparue
existaient encore et la rivière formait entre elles de dangereux tourbillons.
Pour atteindre le quai de la nouvelle ville, nous allions devoir glisser entre
deux piles. Or, l’ouverture n’était pas assez large pour laisser passer le
navire avec ses rames.
    — Voilà qui promet d’être intéressant, ironisa Ragnar.
    — Y parviendrons-nous ? demandai-je.
    — Eux l’ont fait, dit-il en désignant les navires
échoués au-delà du pont. Nous le pourrons donc. Les Francs aussi, continua
Ragnar, ont bâti de tels ponts sur toutes leurs rivières. Sais-tu
pourquoi ?
    — Pour les traverser ? avançai-je, pensant que
c’était évident.
    — Pour nous empêcher de les remonter, dit Ragnar. Si je
régnais sur Lundene, je réparerais ce pont. Remercions les Angles de n’en avoir
point pris la peine.
    Nous passâmes la brèche à la dernière marée montante. Durant
ce bref laps de temps, nous avions la possibilité de faire passer sept ou huit
navires en ramant à pleine vitesse jusqu’à la brèche puis, à la dernière
minute, profiter de l’élan et relever les rames à la verticale pour passer
entre les deux. Tous les navires n’y parvinrent pas du premier coup. J’en vis
deux heurter une pile et fracasser des rames, puis dériver en aval tandis que
l’équipage maugréait. Cependant, la Vipère réussit son passage et faillit
s’arrêter au milieu, mais nous parvînmes à plonger les rames de proue et à
sortir lentement de la brèche. Après quoi, des hommes nous jetèrent des
cordages depuis la rive et nous halèrent jusqu’à des eaux calmes où nous pûmes
ramer jusqu’à quai.
    Sur la rive sud, au-delà des marécages, des cavaliers nous
observaient depuis des collines boisées. Ces Saxons devaient compter nos
vaisseaux pour évaluer les effectifs de la Grande Armée. C’était ainsi
qu’Halfdan l’appelait : la Grande Armée des Danes venue prendre toute
l’Anglie. Pour l’heure, nous attendions d’autres navires et d’autres équipages.
    Brida, Rorik et moi explorâmes Lundene. Rorik avait été
malade une fois de plus, et Sigrid ne l’avait laissé partir qu’avec réticence
après qu’il l’en eut suppliée et que Ragnar lui eut assuré qu’un voyage en mer
rétablirait sa santé. Il était pâle, mais tout aussi excité que moi à l’idée de
découvrir la ville. Ragnar me fit enlever mes bracelets et laisser
Souffle-de-Serpent, car, disait-il, la ville regorgeait de voleurs.
    Nous parcourûmes d’abord les nouveaux quartiers, traversant
des ruelles malodorantes remplies d’ateliers où l’on travaillait cuir, bronze
ou fer. Là, des femmes tissaient, ailleurs on égorgeait des moutons dans une
cour et il y avait des échoppes vendant poterie, sel, anguilles vivantes,

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