Le dernier templier
esprit, elle l’entendit les interpeller. Pendant un moment, Vance garda les yeux fixés sur elle, avant de se tourner vers le capitaine qui faisait de grands gestes pour leur demander de le rejoindre.
— On a quelque chose ! hurlait-il.
73
Posté à l’arrière de la passerelle, Reilly observait De Angelis et le commandant du Karadeniz , un homme trapu répondant au nom de Karakas, doté d’une épaisse chevelure noire et d’une moustache broussailleuse. Ils étaient penchés sur l’écran radar du patrouilleur et choisissaient leur prochaine cible.
Ils n’en manquaient pas. L’écran noir était constellé de dizaines de taches vertes. À certaines étaient accolés de petits codes alphanumériques, qui identifiaient un navire disposant d’un transpondeur moderne. Celles-là étaient faciles à éliminer de la liste des « clients » potentiels, en utilisant les bases de données de la navigation et des gardes-côtes. Mais elles étaient peu nombreuses. Dans leur grande majorité, les contacts sur l’écran n’étaient que des points anonymes provenant des centaines de bateaux de pêche et de voiliers qui hantaient cette bande côtière très populaire. Découvrir à bord duquel se trouvaient Vance et Tess ne serait pas facile, Reilly le savait.
C’était leur sixième jour de mer, ce qui, pour lui, était déjà énorme. Il était rapidement apparu qu’il n’avait rien d’un loup de mer, il s’en fallait même de beaucoup. Mais au moins, la mer s’était bien comportée depuis qu’ils avaient entamé leur traque et les nuits se passaient sur la terre ferme. Chaque matin, ils sortaient de Marmaris au point du jour puis allaient et venaient le long de la côte, du golfe d’Hisarônu au sud du Dodécanèse. Le Karadeniz était un patrouilleur de classe SAR-33, rapide et confortable, capable de couvrir un large secteur maritime au cours d’une journée. D’un blanc rayonnant, il se distinguait par la large bande rouge oblique sur sa coque près des mots Sahïl Gùvenlik en grosses lettres — le nom officiel des gardes-côtes turcs. D’autres bateaux basés à Fethiye et à Antalya fouillaient les eaux plus à l’est. Et côté air, des hélicoptères Agusta A-109 effectuaient des repérages visuels à basse altitude en alertant les vedettes rapides dès qu’ils apercevaient des cibles potentielles.
La coordination entre les différentes composantes aériennes, maritimes et terrestres de la traque était presque parfaite. Les gardes-côtes turcs avaient une grande expérience en matière de patrouille et de surveillance de ces eaux grouillantes. Les relations entre la Grèce et la Turquie étaient toujours aussi peu cordiales et la proximité du Dodécanèse, un archipel de douze îles appartenant aux Grecs, était une source permanente de conflits avec pour toile de fond et prétextes la pêche et le tourisme. En outre, l’étroit bras de mer séparant les deux pays était apprécié des passeurs d’immigrants. Ces désespérés tentaient de gagner la Grèce et le reste de l’Union européenne depuis la Turquie, qui n’appartenait pas encore à cette dernière. Malgré tout, cela faisait quand même un grand secteur maritime à couvrir et comme la majorité du trafic était constitué de bateaux de plaisance sans personne en veille radio, les contrôler en mer se révélait une entreprise laborieuse et éreintante.
Tandis que l’opérateur radar étudiait quelques cartes près de son écran et que le radio comparait ses notes avec l’équipage de l’un des hélicoptères, Reilly s’écarta des appareils pour regarder à travers la vitre du poste de contrôle. Il fut surpris d’apercevoir des signes de mauvais temps au sud. Un mur ondoyant de nuages sombres planait juste au-dessus de l’horizon. Une bande de lumière jaunâtre séparait la masse grise de l’eau. Le spectacle semblait irréel.
Il pouvait presque sentir la présence de Tess. Savoir qu’elle était là quelque part, à la fois à portée de main et désespérément hors d’atteinte, lui tapait sur les nerfs. Il se demandait où elle était et ce qu’elle faisait à cet instant même. Est-ce que Vance et elle avaient déjà trouvé le Faucon-du-Temple ? Étaient-ils déjà en route pour... pour où ? Qu’allaient-ils faire de leur « découverte », s’ils l’avaient déjà ? Comment allaient-ils annoncer leur trouvaille au monde ? Il avait beaucoup pensé à ce qu’il lui dirait quand il la
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